Copyright

 

«La propriété intellectuelle, qui était
un moyen au service de la création
et de la diffusion des savoirs,
est devenue une fin en soi»

Florent Latrive, cité par Périphéries

 L e droit de copie est un excellent: imaginez une société, un monde, un univers ou on ne copierait pas ?!? Où l'on n'en aurait pas le droit !?! Quelle tristesse… Mais qui dit copie dit original, et qui dit original dit auteur — c'est d'ailleurs la base du concept de Dieu: supposant qu'il y a un «être original», on lui impute un auteur. Et qui dit auteur dit le droit en miroir du droit de copie: le droit d'auteur. Dans un univers idéal le droit de copie serait gratuit, le droit d'auteur infini. Savez-vous ? Nous ne vivons pas dans un monde parfait, alors il faut un compromis: rétribuer modestement le droit de copie et largement le droit d'auteur.


«Modestement» et «largement» il faut s'entendre: d'abord il y a copie et copie, elles ne se valent pas toutes. Exemple, les «sacs Vuitton»: ceux fabriqués par cette marque valent cher car leurs copies sont de très bonne qualité, durables, douces au toucher et très proches du modèle original; les copies bon marché sont le plus souvent de mauvaise qualité, vites dégradées, d'un toucher désagréable et assez infidèles au modèle. Ensuite, il y a auteur et auteur: certains produisent des choses formidables qui passent les époques — cas du créateur de la roue, cas de Shakespeare —, d'autres vont diffuser des choses de peu d'intérêt ou de peu de durée; et ma foi, il est évident que ça ne se récompense pas identiquement. Récemment s'est mis sur le marché un type de licence qui tient assez compte de tout ça. Voici comment le site Pizzicatto l'explique:

Qu'est-ce qu'un prix adaptatif ?

Un prix adaptatif est un prix variable qui s'adapte automatiquement aux conditions du marché.

D'après Ken Evoy, auteur Canadien expert en marketing Internet et e-commerce, ce modèle de prix sera de plus en plus répandu sur le Net dans les années à venir.

Un prix adaptatif, comme son nom l'indique, s'adapte à l'offre et à la demande. Le principe de base est que lorsque personne n'achète le produit, le prix diminue légèrement avec le temps, ce qui rend le produit plus attractif au niveau du prix. Lorsqu'il y a des achats, le prix augmente légèrement, démontrant une demande plus grande pour le produit. Un équilibre se crée donc entre l'offre et la demande et cet équilibre se corrige automatiquement avec les aléas économiques. Par exemple, si une crise économique survient, les gens achèteront moins et le prix diminuera, ce qui rendra à nouveau le produit accessible.

Ce modèle de prix satisfait à la fois les consommateurs et les producteurs. Côté consommateur, si celui-ci trouve le produit trop cher, il n'achète pas ou peu et le prix descend automatiquement. Le public attire donc lui-même le prix dans une zone où il a les moyens d'acheter. Côté producteur, le prix se place automatiquement à un niveau tel qu'il devient accessible au public et génère donc des ventes. Ce modèle tient même compte de l'apparition et de la disparition de produits concurrents...

Stratégies d'achat

Si vous estimez que le prix vous convient, vous pouvez commander au prix courant. Le prix est alors figé pour vous et c'est le prix que vous payez.

Si vous désirez payer un prix moins cher que le prix courant, vous avez la possibilité d'attendre un moment où les ventes sont moins fréquentes et où le prix est donc en baisse. Mais attention, car si le prix baisse et que vous attendez trop longtemps, d'autres pourraient se décider avant vous et donc... faire remonter le prix ! Remarquez que le prix ne variera jamais brusquement. Si le prix est en baisse et qu'une ou plusieurs ventes se réalisent, la tendance du prix passera à la hausse, mais n'augmentera pas d'un coup.

Ledit «modèle de prix» est celui de base du commerce équitable, c.-à-d. la plus ancienne forme de commerce, et la plus moderne aussi, remarquez; pour le dire, la seule forme acceptable, donc acceptée, de commerce: par essence le commerce ne peut qu'être équitable, sinon ça devient autre chose. Il y a bien sûr du faux commerce mais donc, on ne nomme ça qu'abusivement commerce. On dira qu'il y a deux formes de base de commerce, l'échange direct, dit par les anthropologues et par le commun «troc», et l'échange différé, dit «potage» — oh ! Pardon: «potlatch» —; en économie moderne on dit «transaction» ou «action» et (faussement) «échange» ou (vraiment) «obligation».

Le commerce équitable est tributaire d'un protocole particulier, le commerce honnête: pour qu'un échange soit valide il faut que les deux parties agissent en fonction de leurs intérêts communs, et si soit «le vendeur» soit «l'acheteur» trompent leur vis-à-vis cela crée un déséquilibre qui à court terme lèse l'échangeur naïf mais à long terme lèse bien plus gravement l'échangeur malicieux. Comme dit le proverbe, «les parents boivent, les enfants trinquent»: il y a toujours un moment où la tromperie est découverte, et comme les enfants sont héritiers de la dette des parents, comme dans la fable, «si ce n'est toi c'est quelque autre des tiens», et tu paieras pour les autres… Le commerce honnête consiste, pour le vendeur à ne pas mentir sur la qualité de l'objet en vente, pour son acheteur, à fixer le prix qui lui semble le plus adapté en fonction à la fois de la valeur de l'objet et de ses possibilités de paiement; comme le dit le texte cité, «Le public attire donc lui-même le prix dans une zone où il a les moyens d'acheter», ce qui induit qu'un acheteur qui a de gros moyens placera sa zone de prix assez haut, si du moins il est honnête; en miroir, le vendeur donnera un prix de départ qui tienne compte non seulement de la valeur intrinsèque de l'objet, mais aussi de ses besoins, ce qui fait qu'il peut, relativement à un concurrent moins fortuné, «vendre à perte», c.-à-d. fixer un prix inférieur au coût effectif de production. Ce n'est qu'un effet: considérant ce qu'est le commerce, il faut voir que ça fonctionne essentiellement en circuit fermé, chaque acheteur étant le vendeur de l'autre et réciproquement. du fait, s'il l'un des acteurs crée un déséquilibre, appauvrissant son vis-à-vis il s'appauvrit lui-même.

Le commerce est une activité paradoxale: si les deux parties fixent un niveau de transaction honnête et un prix équitable, chacun y gagne. Disons que, dans le commerce, un plus un ne fait jamais deux: dans le commerce équitable ça fait un peu plus que deux, dans celui inéquitable un peu ou beaucoup moins que deux. C'est dû à ce sur quoi porte la non équité: le droit de copie.


Qu'est-ce que le droit de copie ? Le droit concédé par l'auteur de réaliser des objets similaires à celui négocié. Une transaction idéale consiste en ceci: le vendeur propose à un prix élevé un modèle d'objet effectif ou virtuel (la description de l'objet) et un droit d'usage; puis il concède une licence de reproduction gratuite qui spécifie sa rétribution ultérieure en fonction de l'usage effectif de la licence (du nombre d'objets reproduits). Plus le nombre de reproductions est élevé, plus le prix unitaire est bas. Raison pour laquelle le prix de la licence est haut: on postule que l'acheteur sera ainsi incité à faire le plus possible de reproductions de manière à abaisser le prix d'usage et à répartir son coût chez un maximum de clients. Dans le cas du droit de copie, l'idéal est proche de l'effectif, tout du moins dans le cadre d'un commerce équitable et honnête, car là aussi il y a matière à déviation. avec deux cas: un vendeur inéquitable ou un acheteur malhonnête.

Dans le cadre d'une société large — telle que celle française de 2005 — on nomme par convention «commerçant» l'«acheteur-distributeur» de la chaîne des échanges: il fait le lien entre «vendeur» et «consommateur», qui sont en rapport réciproque, le vendeur d'un produit A étant le consommateur d'un produit B et, en miroir, le vendeur du produit B le consommateur du produit A. Comme il y a plus que deux personnes dans une société large, ce n'est pas une réciprocité stricte. Pour simplifier mon discours je fonctionnaliserai mes acteurs, le vendeur sera “V”, le consommateur sera “C”, l'acheteur-distributeur sera “AD”, «le vendeur du produit A» s'énonçant alors “V(A)”, et de même pour “C(A)” et “AD(A)”. Enfin on dira “SL” pour «société large».

Dans une SL, on a au moins trois V/C, chacun étant en relation avec au moins un autre V/C, directement ou par le biais d'un AD. Factuellement, un AD n'est ni V ni C, fonctionnellement il joue le rôle d'un C pour un V et d'un V pour un C. Sur son propre plan, un AD est aussi un V/C; sur notre plan ça diffère, il agit comme interface, agit dans et sur la société sans y appartenir vraiment. Etc. La formalisation est une chose amusante mais de nul enseignement concernant les relations humaines. C'était un exercice de simulation du «toutes choses égales» cher à l'économie libérale.

Revenons à notre sujet, le droit de copie: en France, l'auteur concède ce droit à l'utilisateur et au reproducteur, et non à l'acheteur-distributeur; dans une société a organisation centralisée, comme ce le fut de la fin du XVIII° siècle à la fin du XX° dans les sociétés industrialisées, et comme ça l'est dans celles en voie d'industrialisation, reproducteur et utilisateur diffèrent le plus souvent et sont éloignés, ils ont donc besoin de l'acheteur-distributeur pour les mettre en relation, ce qui explique qu'ils lui concèdent la gestion du droit de copie; dans une société décentralisée où reproducteur et utilisateur sont proches voire, le plus souvent, se confondent, l'acheteur-distributeur perd de son importance et les autres acteurs n'ont plus nécessité à lui concéder leur droit de copie. Il vaut mieux, en ces cas, traiter avec le producteur même. C'est me semble-t-il la question au cœur de la société depuis environ quatre décennies, et plus crucialement depuis un quart de siècle. Pour mon compte j'ai tranché: en tant qu'auteur, je ne réclame aucun droit de copie, et pour les temps à venir, je ne désespère pas qu'on reconnaisse mes droits d'auteur. J'ai bon espoir.