Source : UQAC, Bibliothèque des sciences sociales. Texte scanné et corrigé mais quelques coquilles subsistent. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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LUDWIG WITTGENSTEINTRACTATUS
Traduction, préambule | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Titre original: TRACTATUS LOGlCO-PHILOSOPHICUS © Routledge & Kegan Paul Ltd. 1922. © Éditions Gallimard. 1993. pour la traduction française. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
TRACTATUS LOGICO-PHILOSOPHICUS
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Κn = | n ∑ v = o | ( | n v | ) | possibilités. |
Pour toute combinaison d'états de choses, il est possible qu'elle subsiste, les autres ne subsistant pas.
4.28 - À ces combinaisons correspondent exactement autant de possibilités de vérité - ou de fausseté - de n propositions élémentaires.
4.3 - Les possibilités de vérité des propositions élémentaires signifient les possibilités de subsistance ou de non-subsistance des états de choses.
4.31 - On peut figurer les possibilités de vérité au moyen de schémas du type suivant (« V » signifie « vrai », « F » signifie « faux »; les lignes de « V » et de « F » sous la ligne de propositions élémentaires signifient, selon un symbolisme facile à comprendre, leurs possibilités de vérité) :
4.4 - La proposition est l'expression de l'accord et du désaccord avec les possibilités de vérité des propositions élémentaires.
4.41 - Les possibilités de vérité des propositions élémentaires sont les conditions de la vérité et de la fausseté des propositions.
4.411 - Il est d'ores et déjà vraisemblable que l'introduction des propositions élémentaires est fondamentale pour la compréhension de toute autre espèce de propositions. En fait, la compréhension des propositions en général dépend visiblement de celle des propositions élémentaires.
4.42 - Concernant l'accord et le désaccord d'une proposition avec les possibilités de vérité de n propositions élémentaires, il y a :
Κn ∑ Κ = o | ( | Κn Κ | ) | Ln | possibilités. |
4.43 - L'accord avec les possibilités de vérité peut être exprimé en adjoignant à celles-ci, dans le schéma, par exemple la marque « V » (vrai).
L'absence de cette marque signifie la non-concordance.
4.431 - L'expression de l'accord et du désaccord avec les possibilités de vérité des propositions élémentaires exprime les conditions de vérité d'une proposition.
La proposition est l'expression de ses conditions de vérité.
(Frege a donc eu tout à fait raison de les faire précéder par l'explication des signes de sa langue symbolique. Seulement l'explication du concept de vérité est chez Frege erronée : si « le vrai » et « le faux » étaient réellement des objets, et les arguments P. 67 dans ∼p etc, alors le sens de « ∼p » ne serait en aucune manière déterminé par la détermination de Frege).
4.44 - Le signe qui nait de l'adjonction de la marque « V » et des possibilités de vérité est un signe propositionnel.
4.441 - Il est clair qu'au complexe des signes « F » et « V » aucun objet (ou complexe d'objets) ne correspond ; pas plus qu'aux traits horizontaux ou aux traits verticaux ou aux parenthèses. - Il n'y a pas d'« objets logiques ».
Il en est naturellement de même pour tous les signes qui expriment la même chose que les schémas des « V » et des « F ».
4.442 - Par exemple :
(Le « signe de jugement » frégéen « ⊦ » est dépourvu de signification logique ; il montre simplement chez Frege (et Russell) que ces auteurs tiennent pour vraies les propositions ainsi désignées. « ⊦ » n'appartient donc pas davantage à la construction propositionnelle que, par exemple, son numéro. Il n'est pas possible qu'une proposition dise d'elle-même qu'elle est vraie).
Si la suite des possibilités de vérité dans le schéma est une fois pour toute fixée par une règle de combinaison, la dernière colonne suffit à exprimer les conditions de vérité. En écrivant cette colonne sous forme de ligne, le signe propositionnel devient : « (V V - V) (p,q) » ou plus clairement : « (V V F V) (p,q) ». (Le nombre des places dans les parenthèses de gauche est déterminé par le nombre des membres dans celles de droite).
4.45 - Pour n propositions élémentaires il y a Ln groupes possibles de conditions de vérité. P. 68
Les groupes de conditions de vérité qui appartiennent aux possibilités de vérité d'un nombre donné de propositions élé mentaires peuvent être ordonnés selon une série.
4.46 - Parmi les groupes possibles de conditions de vérité, il existe deux cas extrêmes.
Dans l'un d'eux, la proposition est vraie pour toutes les possibilités de vérité des propositions élémentaires. Nous disons que les conditions de vérité sont tautologiques.
Dans le second cas, la proposition est fausse pour toutes les possibilités de vérité : les conditions de vérité sont contradictoires.
Dans le premier cas, nous appelons la proposition tautologie, dans le second cas contradiction.
4.461 La proposition montre ce qu'elle dit, la tautologie et la contradiction montrent qu'elles ne disent rien.
La tautologie n'a pas de conditions de vérité, car elle est inconditionnellement vraie; et la contradiction n'est vraie sous aucune condition.
La tautologie et la contradiction sont vides de sens[1] (Comme le point, duquel partent deux flèches en directions opposées). (Je ne sais rien du temps qu'il fait par exemple, lorsque je sais : ou il pleut ou il ne pleut pas).
4.4611 - Mais la tautologie et la contradiction ne sont pas dépourvues de sens ; elles appartiennent au symbolisme, tout à fait à la manière dont le « 0 » appartient au symbolisme de l'arithmétique.
4.462 - La tautologie et la contradiction ne sont pas des images de la réalité. Elles ne figurent aucune situation possible. Car celle-là permet toute situation possible, celle-ci aucune.
Dans la tautologie les conditions de l'accord avec le monde - les relations de figuration - s'annulent mutuelle ment, de sorte qu'elle n'entretient aucune relation de figuration avec la réalité.
[1] sinnlos. Par opposition à unsinnig, dépourvu de sens. Tautologie et contradiction n'apportent aucune information sur le monde. Elles ont un sens, mais vide de tout contenu. Voir l'analogie avec le zéro arithmétique à l'aphorisme 4.4611.
P. 694.463 - Les conditions de vérité déterminent le domaine de variation laissé aux faits par la proposition.
(La proposition, l'image, le modèle sont, en un sens négatif, comme un corps solide qui limite la liberté de mouvement des autres corps ; dans un sens positif, comme l'espace borné par une substance solide, où un corps peut être placé).
La tautologie laisse à la réalité la totalité - infinie - de l'espace logique ; la contradiction remplit la totalité de l'espace logique et ne laisse à la réalité aucun point. Aucune des deux ne peut donc déterminer en quelque manière la réalité.
4.464 - La vérité de la tautologie est certaine, celle d'une pro position est possible, celle de la contradiction impossible.
(Certain, possible, impossible : nous avons ici l'indice des degrés dont nous avons besoin dans la théorie des probabilités).
4.465 - Le produit logique d'une tautologie et d'une proposition dit la même chose que cette proposition. Ce produit est donc identique à la proposition. Car on ne peut altérer ce qui est essentiel à un symbole sans altérer son sens.
4.466 - À une connexion logique déterminée de signes correspond une connexion logique déterminée de leurs significations ; toute connexion arbitraire ne correspond qu'à des signes sans connexion.
C'est-à-dire que des propositions vraies pour chaque situation ne peuvent absolument pas être des connexions de signes, car ne pourraient en ce cas leur correspondre que des connexions déterminées d'objets.
(Et à l'absence de connexion logique correspond l'absence de connexion d'objets).
La tautologie et la contradiction sont les cas limites de la connexion de signes, à savoir sa dissolution.
4.4661 - À vrai dire, dans la tautologie et dans la contradic tion les signes sont bien encore liés entre eux, c'est-à-dire qu'ils ont des relations mutuelles, mais ces relations sont sans signifi cation, elles ne sont pas essentielles au symbole.
4.5 - Il paraît maintenant possible de poser la forme la plus générale de la proposition, c'est-à-dire la description des propositions P. 70 d'une langue symbolique quelconque, de telle sorte que chaque sens possible puisse être exprimé par un symbole auquel la description convienne, et que chaque symbole auquel la description convienne puisse exprimer un sens, si les significations des noms sont choisies adéquatement.
Il est clair que dans la description de la forme la plus générale de la proposition, l'essentiel seul peut être décrit - sans quoi elle ne saurait être la description la plus générale.
Qu'il y ait une forme générale de la proposition, ceci le prouve : qu'il ne peut y avoir aucune proposition dont on n'aurait pu prévoir la forme (c'est-à-dire la construire). La forme générale de la proposition est : ce qui a lieu est ainsi et ainsi.
4.51 - À supposer que toutes les propositions élémentaires me soient données, on peut alors simplement demander : quelles propositions puis-je former à partir d'elles? Et la réponse est : toutes les propositions, ainsi se trouvent-elles délimitées.
4.52 - Les propositions sont tout ce qui découle de l'ensemble des propositions élémentaires (naturellement aussi de ce que cet ensemble en est la totalité). (Ainsi pourrait-on dire, en un cer tain sens, que toutes les propositions sont des généralisations des propositions élémentaires).
4.53 - La forme générale de la proposition est une variable.
5 - La proposition est une fonction de vérité des propositions élémentaires.
(La proposition élémentaire est une fonction de vérité d'ellemême).
5.01 - Les propositions élémentaires sont les arguments de vérité de la proposition.
5.02 - Il est facile de confondre les arguments des fonctions avec les indices des noms. Je reconnais en effet aussi bien sur un argument que sur un indice la signification du signe qui les contient.
Chez Russell « c » dans « +c » est un indice qui montre que le signe dans son ensemble est le symbole de l'addition pour les P. 71 cardinaux. Mais cette dénotation repose sur une convention arbitraire, et l'on pourrait, au lieu de « +c », choisir un signe simple; dans « ∼p » au contraire, « p » n'est pas un indice mais un argument : le sens de « ∼p » ne peut pas être compris sans qu'ait été compris auparavant le sens de « p ». (Dans le nom Julius Caesar, Julius est un indice. L'indice est toujours une partie de la description de l'objet au nom duquel nous l'apposons. Par exemple : le Caesar parmi les membres de la gens Julia).
C'est la confusion de l'argument et de l'indice qui est à la base, si je ne me trompe, de la théorie de Frege sur la signification des propositions et des fonctions. Pour Frege, les propositions de la logique étaient des noms, et leurs arguments des indices de ces noms.
5.1 Les fonctions de vérité peuvent être ordonnées en séries. Tel est le fondement de la théorie des probabilités.
5.101 - Les fonctions de vérité de tout nombre donné de pro positions élémentaires peuvent être écrites selon un schéma du type suivant :
(V V V V) (p,q) | Tautologie | (si p alors p ; et si q alors q.) (p ⊃ p . q ⊃ q) | ||
(F V V V) (p,q) | soit : | pas à la fois p et q. (∼(p . q» | ||
(V F V V) (p,q) | « | si q alors p. (q ⊃ p) | ||
(V V F V) (p,q) | « | si p alors q. (p ⊃ q) | ||
(V V V F) (p,q) | « | P ou q. (p ∨ q) | ||
(F F V V) (p,q) | « | non q. (∼q) | ||
(F V F V) (p,q) | « | non p. (∼p) | ||
(F V V F) (p,q) | « | p ou q, mais pas les deux. (p .∼q : ∨ : q . ∼p) | ||
(V F F V) (p,q) | « | si p alors q ; et si q alors p. (p ≡ q) | ||
(V F V F) (p,q) | « | p | ||
(V V F F) (p,q) | « | q | ||
(F F F V) (p,q) | « | ni p ni q. (∼p . ∼q) ou (p | q) | ||
(F F V F) (p,q) | « | p et non q. (p . ∼q) | ||
(F V F F) (p,q) | « | q et non p. (q . ∼p) | ||
(V F F F) (p,q) | « | q et p. (q . p) | ||
(F F F F) (p,q) | Contradiction | (p et non p ; et q et non q.) (p . ∼p . q . ∼q) |
À ces possibilités de vérité de ses arguments de vérité qui vérifient une proposition, je donnerai le nom de fondements de vérité de cette proposition.
5.11 - Si les fondements de vérité communs à un certain nombre de propositions sont aussi, pris ensemble, fondements de vérité d'une proposition déterminée, nous disons que la vérité de celle-ci suit de la vérité de celles-là.
5.12 - En particulier, la vérité d'une proposition « p » suit de la vérité d'une proposition « q » quand tous les fondements de vérité de la seconde sont fondements de vérité de la première.
5.121 - Les fondements de vérité de l'une sont contenus dans ceux de l'autre : p suit de q.
5.122 - Quand p suit de q, le sens de « p » est contenu dans le sens de « q ».
5.l23 - Si un dieu crée un monde dans lequel certaines propositions sont vraies, il crée du même coup un monde dans lequel sont valables toutes leurs conséquences. Èt de même il ne saurait créer aucun monde où serait vraie la proposition « p » sans créer en même temps tous les objets de celle-ci.
5.124 - Une proposition affirme toute proposition qui s'ensuit.
5.1241 - « p . q » est l'une des propositions qui affirment « p » et en même temps l'une des propositions qui affirment « q ».
Deux propositions sont opposées l'une à l'autre s'il n'y a pas de proposition pourvue de sens qui les affirme toutes deux.
Toute proposition qui en contredit une autre la nie.
5.13 Que la vérité d'une proposition suive de la vérité d'autres propositions nous le voyons par leur structure.
5.131 - Si la vérité d'une proposition suit de la vérité d'autres propositions, ceci s'exprime dans les relations qu'ont entre elles leurs formes; et nous n'avons certes nul besoin de les mettre d'abord dans ces relations en les combinant dans une proposition P. 73 unique, car ces relations sont au contraire internes, et elles subsistent dès que subsistent ces propositions, et par cette subsistance même.
5.1311 - Quand nous déduisons q de p∨q et ∼p, la relation entre les formes des propositions « p∨q » et « ∼p » est masquée par le mode de description. Mais si nous écrivons, par exemple, au lieu de « p∨q », « p &vett; q .&vert. p | q », et au lieu de « ∼p », « p | P » (p | q = ni p ni q), alors l'interdépendance interne devient évidente.
(Que l'on puisse déduire fa de (x).fx montre que la généralité est déjà comprise dans le symbole « (x).fx »).
5. 1 32 - Si p suit de q, je puis déduire p de q, tirer de q la conséquence p.
La manière de déduire ne peut être tirée que des deux propositions.
Elles seules peuvent justifier la déduction. Des « lois de la déduction », qui - comme chez Frege et Russell - doivent justifier les déductions, sont vides de sens, et seraient superflues.
5.133 - Toute conséquence est conséquence a priori.
5.134 - D'une proposition élémentaire ne suit aucune autre.
5.135 - On ne peut en aucune manière déduire de la subsistance d'une situation quelconque la subsistance d'une autre situation totalement différente.
5.136 - Il n'y a pas de lien causal qui justifierait une telle déduction.
5. 1361 - Les événements futurs, nous ne pouvons les conclure à partir des événements présents.
La croyance en un lien causal est un préjugé.
5.1362 - Le libre arbitre consiste en ce que nous ne pouvons connaître maintenant les actions futures. Nous ne pourrions les connaître que si la causalité était une nécessité interne, comme P. 74 celle de la déduction logique. - L'interdépendance du connaître et de ce qui est connu est celle de la nécessité logique.
(« A sait que p a lieu » est vide de sens, si p est une tautologie).
5.1363 - Si, de ce qu'une proposition est pour nous évidente il ne suit pas qu'elle est vraie, cette évidence ne constitue pas non plus une justification de notre croyance en sa vérité.
5.14 - Si une proposition suit d'une autre, celle-ci dit plus que celle-là, celle-là moins que celle-ci.
5.141 Si p suit de q et q suit de p, p et q ne sont qu'une seule et même proposition.
5.142 La tautologie suit de toute proposition : elle ne dit rien.
5.143 La contradiction est ce qui est commun aux propositions, sans qu'aucune proposition l'ait en commun avec une autre. La tautologie est ce qui est commun aux propositions qui n'ont rien de commun entre elles.
La contradiction s'évanouit, pour ainsi dire, à l'extérieur, la tautologie à l'intérieur, de toutes les propositions.
La contradiction est la frontière externe des propositions, la tautologie est leur centre sans substance.
5.15 - Si Vr est le nombre des fondements de vérité de la proposition « r », Vrs le nombre des fondements de vérité de la proposition « s » qui sont en même temps fondements de vérité de « r », nous nommons alors le rapport Vrs : Vr mesure de la probabilité que la proposition « r » confère à la proposition « s ».
5.151 - Dans un schéma comme celui de 5.101, soit Vr le nombre des « V » de la proposition r ; Vrs le nombre des « V » de la proposition s qui correspondent, dans une même colonne à des « V » de la proposition r. La proposition r confère alors à la proposition s la probabilité Vrs : Vr.
5.1511 - Il n'y a pas d'objet particulier propre aux propositions de probabilité. P. 75
5.152 - Les propositions qui n'ont en commun aucun argument de vérité nous les nommerons mutuellement indépendantes.
Deux propositions élémentaires se confèrent mutuellement la probabilité 1/2.
Si p suit de q, la proposition « q » confère à la proposition « p » la probabilité 1. La certitude de la déduction logique est un cas limite de la probabilité.
(Application à la tautologie et à la contradiction).
5.153 - Une proposition n'est, en elle-même, ni probable ni improbable. Un événement se produit ou ne se produit pas, il n'y a pas de milieu.
5.154 - Soient dans une urne autant de boules blanches que de boules noires (et nulles autres). Je tire une boule après l'autre et les remets dans l'urne. Je puis alors, par cette épreuve, établir que les nombres de boules noires et de boules blanches tirées se rapprochent à mesure que l'on poursuit le tirage.
Il ne s'agit donc pas là d'une propriété mathématique.
Si maintenant je dis : il est également probable que je tirerai une boule blanche ou une boule noire, cela signifie : toutes les circonstances de moi connues (y compris les lois de la nature prises comme hypothèses) ne confèrent pas à la production de l'un de ces événements plus de probabilité qu'à la production de l'autre. C'est-à-dire qu'elles donnent à chacun - comme on le conclut aisément des explications précédentes la probabilité 1/2.
Ce que je confirme par cette épreuve, c'est que la production des deux événements est indépendante des circonstances que je ne connais pas plus exactement.
5.155 - La proposition élémentaire de probabilité[1] est : les circonstances - dont je n'ai pas par ailleurs une connaissance plus poussée - confèrent à la production d'un événement déterminé tel ou tel degré de probabilité.
5.156 - C'est ainsi que la probabilité est une généralisation.
[1] Die Einheit des Wahrscheinlichkeitssatzes.
P. 76Elle enveloppe la description générale d'une forme propositionnelle.
Ce n'est qu'à défaut de certitude que nous utilisons la probabilité. Quand nous ne connaissons pas un fait complètement, tout en sachant quelque chose au sujet de sa forme.
(Une proposition peut certes n'être qu'incomplètement l'image d'une situation déterminée, mais elle est toujours une image complète).
La proposition de probabilité est comme un extrait d'autres propositions.
5.2 - Les structures des propositions ont entre elles des relations internes.
5.21 - Nous pouvons souligner par notre mode d'expression ces relations internes en figurant une proposition comme résultat d'une opération qui la produit à partir d'autres propositions (les bases de l'opération).
5.22 - L'opération est l'expression d'une relation entre les structures de son résultat et celles de ses bases.
5.23 - L'opération est ce qui doit arriver à une proposition pour que l'autre en résulte.
5.23 1 - Et cela dépendra naturellement de leurs propriétés formelles, de la similitude interne de leurs formes.
5.232 - La relation interne qui ordonne une série est équivalente à l'opération par laquelle un terme de la série est engendré par un autre.
5.233 - Une opération ne peut apparaître que là où une proposition est engendrée par une autre de manière logiquement significative. Donc là où commence la construction logique de la proposition.
5.234 - Les fonctions de vérité des propositions élémentaires sont les résultats d'opérations ayant les propositions élémentaires pour base. (J'appelle ces opérations opérations de vérité). P. 77
5.2341 - Le sens d'une fonction de vérité de p est une fonction du sens de p.
La négation, l'addition logique, la multiplication logique, etc., etc., sont des opérations.
(La négation inverse le sens de la proposition).
5.24 - L'opération se manifeste dans une variable; elle montre comment, d'une forme de propositions, on parvient à la forme d'autres propositions.
Elle donne une expression à la différence des formes.
(Et ce qui est commun aux bases et au résultat de l'opération, ce sont justement les bases).
5.241 - Une opération n'est pas la marque d'une forme, mais seulement de la différence entre des formes.
5.242 - La même opération qui produit « q » à partir de « p », produit « r » à partir de « q », et ainsi de suite. On ne peut exprimer ceci que par le trait de « p », « q », « r », etc., d'être des variables qui donnent une expression générale à certaines relations formelles.
5.25 - L'occurrence de l'opération ne caractérise nullement le sens de la proposition.
L'opération en effet ne dit rien, mais seulement son résultat, et celui-ci dépend des bases de l'opération.
(Opération et fonction ne doivent pas être confondues).
5.25 1 - Une fonction ne peut être son propre argument, tandis que le résultat d'une opération peut fort bien devenir sa propre base.
5.252 - C'est seulement ainsi que la progression d'un terme à un autre dans une série de formes (de type à type dans les hiérarchies de Russell et Whitehead) est possible. (Russell et Whitehead n'ont pas accordé la possibilité de cette progression mais en ont toujours fait usage).
5.2521 - L'application itérée d'une opération à son propre résultat, je l'appelle son application successive (« O’O’O’a » est le résultat de trois applications successives de « 0’ξ » à « a »). P. 78
En un sens semblable je parle des applications successives de plusieurs opérations à un certain nombre de propositions.
5.2522 - Le terme général d'une série de formes : a, O’a,O’O’a … je l'écris donc ainsi : [a,x,O’x]. Cette expression entre crochets est une variable. Le premier terme est le début de la série de formes, le second est la forme d'un terme arbitraire de la série, et le troisième la forme du terme de la série qui suit immédiatement x.
5.2523 - Le concept des applications successives d'une opéra tion est équivalent au concept « et caetera ».
5.253 - Une opération peut inverser l'effet d'une autre opération. Les opérations peuvent mutuellement s'annuler.
5.254 - Une opération peut disparaitre (par exemple la négation dans « ∼∼p » : ∼∼p = p).
5.3 - Toutes les propositions sont les résultats d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
Une opération de vérité est la manière dont, à partir de propositions élémentaires, naît une fonction de vérité.
De par la nature de l'opération de vérité, de même que nait de propositions élémentaires leur fonction de vérité, de même naitra de fonctions de vérité une fonction de vérité nouvelle. Chaque opération de vérité engendre, à partir de fonctions de vérité de propositions élémentaires, une nouvelle fonction de vérité de propositions élémentaires, une proposition. Le résultat de chaque opération de vérité ayant pour base des résultats d'opérations de vérités sur des propositions élémentaires est à nouveau le résultat d'une opération de vérité sur des propositions élémentaires.
Chaque proposition est le résultat d'opérations de vérité sur des propositions élémentaires.
5.31 Les schémas de 4.31 ont encore une signification quand « p », « q », « r », etc., ne sont pas des propositions élémentaires. Et il est aisé de voir que le signe propositionnel de 4.442 exprime encore une unique fonction de vérité de propositions P. 79 élémentaires, même quand « p » et « q » sont des fonctions de vérité de propositions élémentaires.
5.32 - Toutes les fonctions de vérité sont des résultats d'applications successives d'un nombre fini d'opérations de vérité sur les propositions élémentaires.
5.4 - Il devient ici manifeste qu'il n'y a pas d'« objets logiques », de « constantes logiques » (au sens de Frege et Russell).
5.41 - Car sont identiques entre eux tous les résultats d'opérations de vérité sur des fonctions de vérité, s'ils sont une seule et même fonction de vérité de propositions élémentaires.
5.42 - Il est évident que ∨, ⊃ , etc., ne sont pas des relations au sens de : à droite de, à gauche de, etc.
La possibilité des définitions réciproques des signes logiques « primitifs » de Frege et Russell montre déjà que ce ne sont pas des signes primitifs, et encore mieux qu'ils ne désignent aucune relation. Et il est patent que le « ⊃ » que nous définissons au moyen de « ∼ » et de « ∨ » est identique à celui au moyen duquel nous définissons « ∨ » en usant de « ∨ », et que ce « ∨ » est identique au premier. Et ainsi de suite.
5.43 - Qu'à partir du fait p doivent s'ensuivre une infinité d'autres faits, à savoir ∼∼p, ∼∼∼p, etc., voilà qui est au premier abord à peine croyable. Et il n'est pas moins remarquable que le nombre infini des propositions de la logique (de la mathématique) suivent d'une demi-douzaine de « lois fondamentales ».
Mais toutes les propositions de la logique disent la même chose. À savoir : rien.
5.44 - Les fonctions de vérité ne sont pas des fonctions matérielles.
Si l'on peut, par exemple, engendrer une affirmation par une double négation, la négation est-elle donc alors en un certain sens contenue dans l'affirmation ? « ∼∼p » nie-t-il ∼p, ou affirme-t-il p ; ou les deux à la fois ? P. 80
La proposition « ∼∼p » ne traite pas la négation comme un objet ; mais la possibilité de la négation est assurément présupposée dans l'affirmation.
Et s'il y avait un objet nommé « ∼ », « ∼∼p » devrait dire autre chose que « p ». Car l'une des deux propositions traiterait justement de ∼, et l'autre point.
5.441 Cette disparition des constantes logiques apparentes intervient encore avec « ∼(∃x).∼fx » qui dit la même chose que « (x).fx », ou « (∃x).fx.x=a » la même chose que « fa ».
5.442 Quand une proposition nous est donnée, sont aussi donnés, avec elle, les résultats de toutes les opérations de vérité qui la prennent pour base.
5.45 - S'il y a des signes logiques primitifs, une logique correcte doit rendre claire leur position relative, et justifier leur existence. La construction de la logique à partir de ses signes primitifs doit être rendue claire.
5.451 - Si la logique a des concepts fondamentaux, ils doivent être mutuellement indépendants. Si un concept fondamental est introduit, il doit être introduit dans toutes les connexions dans lesquelles il peut apparaître. On ne peut donc l'introduire d'abord pour l'une d'elles, puis de nouveau pour une autre. Par exemple, si la négation est introduite, nous devons alors la comprendre dans des propositions de la forme « ∼p » aussi bien que dans « ∼(p∨q) », « (∃x) . ∼fx », etc. Nous n'avons pas le droit de l'introduire d'abord pour une classe de cas, puis pour les autres, car il demeurerait alors douteux si sa signification dans les deux cas est la même, et l'on ne disposerait d' aucune raison d'user dans les deux cas du même mode de connexion des signes.
(En bref, pour l'introduction de signes primitifs, vaut mutatis mutandis ce que dit Frege (Lois fondamentales de l'arithmétique) de l'introduction des signes au moyen de définitions[1]).
[1] Grundgesetze, I. § 63. ; II. § 58., 67. En particulier une définition doit être « complète » ; elle doit permettre de donner un sens à l'application du concept à un objet, même si cette application est fausse.
P. 815.452 - L'introduction d'un expédient nouveau dans le symbolisme logique est nécessairement un événement lourd de conséquences. Aucun expédient nouveau ne devrait en logique être introduit, pour ainsi dire, avec des airs innocents, comme parenthèse ou comme note.
(C'est ainsi que dans les Principia Mathematica de Russell et Whitehead des définitions et des lois fondamentales sont données en mots ordinaires. Pourquoi ce soudain usage de mots ? Ceci appellerait une justification, qui manque, et doit manquer, car cette façon de procéder est en fait inadmissible).
Mais si l'introduction d'un nouvel expédient en un certain endroit se révèle indispensable, on doit aussitôt se demander : où cet expédient doit-il être maintenant constamment appliqué ? Sa place en logique doit désormais être expliquée.
5.453 - Tout nombre, en logique, doit être justifié.
Ou plutôt, il doit ressortir qu'en logique il n'y a pas de nombres.
Il n'y a pas de nombres distingués.
5.454 - En logique, il ne peut y avoir de coordination ni de classification.
En logique, il ne peut y avoir un plus général et un plus spécifique.
5.4541 - Les solutions des problèmes logiques doivent être simples, car elles établissent les normes de la simplicité.
Les hommes ont toujours soupçonné qu'il devait y avoir un domaine de questions dont les réponses seraient - a priori - symétriquement réunies dans une construction close et régulière.
Un domaine où vaut la proposition : Simplex sigillum veri.
5.46 - Si l'on introduisait correctement les signes logiques, on aurait du même coup déjà introduit le sens de toutes leurs combinaisons; donc, non seulement « p∨q », mais encore « ∼(p ∨ ∼q) », etc., etc. On aurait introduit déjà du même coup l'effet de toutes les seules combinaisons possibles de parenthèses. Et il serait par là devenu clair que les authentiques signes primitifs généraux ne sont pas « p ∨ q », « (∃x) . fx », etc., mais plutôt la forme la plus générale de leurs combinaisons. P. 82
5.461 - Significative est la circonstance apparemment sans importance de l'exigence de parenthèses pour les pseudo-relations logiques, comme ∨ et ⊃, contrairement aux relations réelles.
L'usage des parenthèses avec ces pseudo-signes primitifs suggère déjà que ce ne sont pas réellement les signes primitifs. Et il ne viendra certes à l'esprit de personne de croire que les parenthèses ont une signification autonome.
5.4611 - Les signes des opérations logiques sont des signes de ponctuation.
5.47 - Il est clair que ce qui peut simplement être dit par avance de la forme de toutes les propositions, doit pouvoir se dire en une seule fois.
Toutes les opérations logiques sont déjà contenues dans les propositions élémentaires. Car « fa » dit la même chose que : « (∃x) . fx . x = a ».
Là où il y a composition, il y a argument et fonction, et avec eux sont présentes toutes les constantes logiques.
On pourrait dire que la constante logique unique est ce que toutes les propositions, de par leur nature, ont en commun.
Mais cela, c'est la forme générale de la proposition.
5.471 - La forme générale de la proposition est l'essence de la proposition.
5.4711 - Poser l'essence de la proposition, c'est poser l'essence de toute description, par conséquent l'essence du monde.
5.472 - La description de la forme la plus générale de la proposition, c'est la description du seul et unique signe primitif général de la logique.
5.473 - La logique doit prendre soin d'elle-même.
Si un signe est possible, il est aussi capable de dénoter. En logique, tout ce qui est possible est aussi permis. (« Socrate est identique » ne veut rien dire parce qu'il n'y a aucune propriété appelée « identique ». La proposition est dépourvue de sens, parce que nous n'avons pas effectué une détermination arbitraire P. 83 mais non pas parce que le symbole serait illégitime en soi et par soi).
En un certain sens, nous ne pouvons nous tromper en logique.
5.4731 Si, de l'évidence dont Russell a tant parlé, on peut en logique se dispenser, c'est seulement parce que la langue empêche elle-même toute faute logique. Le caractère a priori de la logique consiste dans l'impossibilité de rien penser d'illogique.
5.4732 Nous ne pouvons donner à un signe un sens incorrect.
5.47321 - La devise d'Occam n'est naturellement pas une règle arbitraire, ou justifiée par son succès pratique : elle déclare que les unités non nécessaires d'un système de signes n'ont aucune signification.
Des signes qui ont un seul et même but sont logiquement équivalents, des signes qui n'ont aucun but sont logiquement sans signification.
5.4733 - Frege dit : toute proposition construite selon les règles doit avoir un sens ; et je dis : toute proposition possible est construite selon les règles, et si elle n'a pas de sens, ce ne peut être que parce que l'on n'a pas donné de signification à certains de ses éléments.
(Même si nous croyons l'avoir fait).
Ainsi « Socrate est identique » ne dit rien, parce que le mot « identique » n'a pas reçu de signification en tant qu'adjectif. Car lorsqu'il intervient comme signe d'égalité il symbolise de toute autre manière - sa relation de dénotation est autre -, de sorte que dans les deux cas le symbole est tout à fait différent ; les deux symboles n'ont en commun que le signe, accidentellement.
5.474 - Le nombre des opérations fondamentales nécessaires ne dépend que de notre notation.
5.475 Il s'agit seulement de construire un système de signes ayant un nombre déterminé de dimensions - d'une multiplicité mathématique déterminée. P. 84
5.476 Il est clair qu'il n'est pas question ici d'un certain nombre de concepts fondamentaux qui doivent être dénotés, mais de l'expression d'une règle.
5.5 Chaque fonction de vérité est le résultat d'applications successives de l'opération : (-----V) (ξ, .... ) à des propositions élémentaires.
Cette opération nie l'ensemble des propositions comprises dans les parenthèses de droite, et je la nomme négation de ces propositions.
5.501 Une expression entre parenthèses, dont les membres sont des propositions dont l'ordre est arbitraire, je la note par un signe de la forme « (? ». « 1; » est une variable dont les valeurs sont les membres de l'expression entre parenthèses; et la barre au-dessus de la variable note que celle-ci représente l'ensemble de ses valeurs dans les parenthèses.
(Si par exemple ξ a les trois valeurs P,Q,R :
(ξ) = (P,Q,R)).
Les valeurs des variables sont fixées : On les fixe en décrivant les propositions dont la variable tient lieu.
Le mode de description des membres'de l'expression entre parenthèses n'est pas essentiel.
Nous pouvons distinguer trois espèces de description : 1. L'énumération directe. En ce cas, nous pouvons, au lieu de la variable, poser simplement ses valeurs constantes. 2. La donnée d'une fonction fx, dont les valeurs pour toutes les valeurs de x sont les propositions à décrire. 3. La donnée d'une loi formelle, selon laquelle ces propositions sont construites. En ce cas, les membres de l'expression entre parenthèses sont l'ensemble des membres d'une série de formes.
5.502 J'écris donc, au lieu de « (-----V) (ξ, .... ) » , « N(ξ) ».
N(ξ) est la négation de l'ensemble des valeurs de la variable propositionnelle ξ.
5.503 Puisqu'il est patent que l'on peut aisément exprimer comment, au moyen de cette opération, des propositions peuvent être construites et comment des propositions ne le peuvent pas, ceci doit donc pouvoir trouver une expression exacte. P. 85
5.51 - Si ξ n'a qu'une seule valeur, N(ξ) = ∼p (non p) ; si elle en a deux, N(ξ) = ∼p.∼q (ni p, ni q).
5.511 - Comment la logique, qui embrasse toute chose et reflète le monde, peut-elle avoir recours à des manipulations et à des instruments si particuliers ? Simplement parce qu'ils se relient tous dans un réseau infiniment fin, dans le grand miroir.
5.512 - « ∼p » est vraie si « p » est fausse. Par conséquent, dans la proposition vraie « ∼p », « p » est une proposition fausse.
Comment le trait « ∼ » peut-il la rendre conforme à la réalité ? Ce qui nie dans « ∼p » ce n'est pas le « ∼ », mais ce qui est commun à tous les signes de cette notation qui nient p.
Et par conséquent la règle commune selon laquelle sont construits « ∼p », « ∼∼∼p », « ∼p∨∼p », «&sio;p.∼p », etc. (ad inf.). Et ce qui est commun est le reflet répété de la négation.
5.513 - On pourrait dire : ce qui est commun à tous les symboles qui affirment à la fois p et q, c'est la proposition « p.q ». Ce qui est commun à tous les symboles qui affirment p ou q, c'est la proposition « p∨q ».
Et ainsi pourrait-on dire : deux propositions sont opposées quand elles n'ont rien en commun ; et : à chaque proposition correspond une seule négation, parce qu'il n'y a qu'une seule proposition qui lui soit complètement extérieure.
Dans la notation de Russell, se montre également que « q : p∨∼p » dit la même chose que « q »; que « p∨∼p » ne dit rien.
5.514 - Quand une notation est fixée, elle comporte une règle selon laquelle toutes les propositions qui nient p sont construites ; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p sont construites ; une règle selon laquelle toutes les propositions affirmant p ou q sont construites, et ainsi de suite. Ces règles sont équivalentes aux symboles, et en elles se reflète leur sens.
5.515 - Il doit se montrer dans nos symboles que ce qui est combiné par « &oe; », « . », etc., ce doit être des propositions.
Et c'est en effet le cas, car le symbole « p » et le symbole « q » présupposent d'eux-mêmes les « ∨ », « . », etc. Si le signe « p » dans « p∨q » P. 86 ne tient pas lieu d'un signe complexe, il ne peut avoir de sens pris isolément ; et les signes « p∨p », « p . p » équivalents à « p » ne peuvent non plus avoir aucun sens. Mais si « p∨p » n'a aucun sens, « p∨q » ne peut en avoir un.
5.5151 - Le signe de la proposition négative doit-il être construit à partir du signe de la proposition positive ? Pourquoi ne devrait-on pas pouvoir exprimer la proposition négative au moyen d'un fait négatif ? (Par exemple : que « a » ne soit pas dans une certaine relation avec « b » pourrait exprimer que aRb n'a pas lieu).
Mais alors la proposition négative est encore indirectement construite au moyen de la positive.
La proposition positive doit présupposer l'existence de la proposition négative, et vice versa.
5.52 - Si les valeurs de ξ sont l'ensemble des valeurs d'une fonction fx pour toutes les valeurs de x, alors N(ξ) = ∼(∃x).fx.
5.521 - Je sépare le concept tous de la fonction de vérité.
Frege et Russell ont introduit la généralisation en connexion avec le produit ou la somme logique. Il était dès lors difficile de comprendre les propositions « (∃x).fx » et « (x).fx », dans lesquelles les deux idées sont impliquées.
5.522 - Le propre de la notation du général c'est, premièrement qu'elle renvoie à une image primitive, et, deuxièmement, qu'elle met en vedette des constantes.
5.523 - La notation du général s'introduit comme argument.
5.524 - Si les objets sont donnés, alors nous sont du même coup donnés tous les objets.
Si les propositions élémentaires sont données, alors sont données du même coup toutes les propositions élémentaires.
5.525 - Il est incorrect de traduire en mots, comme l'a fait Russell, la proposition « (∃x).fx » par « fx est possible ».
La certitude, la possibilité, ou l'impossibilité d'une situation ne s'expriment pas au moyen d'une proposition, mais par ceci P. 87 qu'une expression est une tautologie, une proposition pourvue de sens ou une contradiction.
Cette circonstance préliminaire, à laquelle on voudrait toujours faire appel, doit déjà être présente dans les symboles mêmes.
5.526 - On peut décrire complètement le monde au moyen de propositions totalement généralisées, c'est-à-dire, par conséquent, sans coordonner par avance aucun nom à un objet déterminé.
Pour passer alors au mode d'expression usuel il suffit, après une expression comme : « il y a un x et un seulement tel que… », d'ajouter : et cet x est a.
5.5261 - Une proposition totalement généralisée est, comme chaque autre proposition, composée. (Ceci apparaît en ce que nous devons, dans « (∃x,p).px » mentionner séparément « p » et « x ». Tous deux sont, indépendamment l'un de l'autre, dans des relations de dénotation avec le monde, comme dans une proposition non généralisée).
Marque distinctive d'un symbole composé : il a quelque chose en commun avec d'autres symboles.
5.5262 - La vérité ou la fausseté de chaque proposition change assurément quelque chose à la constitution générale du monde. Et le jeu que laisse à cette constitution l'ensemble des propositions est justement celui que délimitent les propositions totalement généralisées.
(Quand une proposition élémentaire est vraie, il en résulte en effet qu'il y a une proposition élémentaire vraie de plus).
5.53 - J'exprime l'égalité[1] des objets par l'égalité des signes, et non au moyen d'un signe d'égalité. J'exprime la différence des objets par la différence des signes.
5.5301 Que l'identité[2] ne soit pas une relation entre objets, c'est évident. Cela devient très clair, si l'on considère, par exemple, la proposition : « (x) : fx . :: . X = a ». Cette proposition
[1] Gleichheit.
[2] Identitat.
On pourrait dire alors, il est vrai, que a seul a cette relation avec a, mais pour exprimer cela nous aurions besoin du signe d'égalité lui-même.
5.5302 - La définition que donne Russell de « = » ne suffit pas ; car on ne peut, selon elle, dire que deux objets ont en commun toutes leurs propriétés. (Même si cette proposition est incorrecte, elle a pourtant un sens).
5.5303 - Sommairement parlant, dire que deux choses sont identiques est dépourvu de sens, et dire d'une chose qu'elle est identique à elle-même c'est ne rien dire du tout.
5.531 - Je n'écris donc pas
5.532 - Et de même, non pas
(Donc, au lieu de la formule de Russell « (∃x,y).f(x,y) », j'écris « (∃x,y).f(x,y).∨.(∃x).f(x,x) »).
5.5321 - Au lieu de
Et la proposition : « Il y a seulement un x qui satisfait f( ) » se formule : « (∃x).fx : ∼(∃x,y).fx.fy ».
5.533 - Le signe d'égalité n'est donc pas un élément essentiel de l'idéographie.
5.534 - Et nous voyons maintenant que des pseudo-propositions telles que :
« a =a »,
5.535 - Par là sont aussi réglés tous les problèmes liés à de telles pseudo-propositions. P. 89
Tous les problèmes introduits par l'« axiome de l'infini » de Russell trouvent alors ici une solution.
Ce que doit dire l'axiome de l'infini pourrait s'exprimer dans la langue par ceci, qu'il y a une infinité de noms avec des significations différentes.
5.5351 - Dans certains cas, on se trouve tenté d'utiliser des expressions de la forme : « a = a » ou « p ⊃ p » et d'autres du même genre. Ceci arrive en fait lorsque l'on voudrait parler d'une image primitive : proposition, chose, etc. Ainsi Russell dans les Principles of mathematics a rendu l'expression dépourvue de sens « p est une proposition » en symboles par : « p ⊃ p », et l'a posée comme hypothèse précédant certaines propositions, afin que leurs arguments ne puissent y être occupés que par des propositions.
(Il est déjà dépourvu de sens de placer l'hypothèse « p ⊃ p » devant une proposition pour lui garantir des arguments ayant la forme correcte, parce que l'hypothèse, pour un argument non propositionnel, ne devient pas fausseté, mais perd son sens, et comme la proposition elle-même est transformée en expression dépourvue de sens par l'espèce incorrecte d'arguments, elle se garde aussi bien, ou aussi mal, des arguments incorrects que l'hypothèse vide de sens qu'on lui adjoint à cet effet).
5.5352 - De même, on voudrait exprimer qu'« il n'y a aucune chose » par « ∼(∃x).x ⊃ x ». Mais à supposer même que ceci soit une proposition, ne serait-elle pas encore vraie si en effet « il y avait des choses », mais que ces choses ne fussent pas identiques à elles-mêmes ?
5.54 - Dans la forme générale de la proposition, la proposition n'apparaît dans une proposition que comme base d'une opération de vérité.
5.541 - À première vue, il semble qu'une proposition puisse apparaître aussi dans une autre proposition d'une autre manière.
Particulièrement dans certaines formes propositionnelles de la psychologie, telles que « A croit que p a lieu », ou « A pense p », etc. P. 90
Car superficiellement, il semble qu'ici la proposition p ait une espèce de relation avec un objet A.
(Et dans la théorie moderne de la connaissance (Russell, Moore, etc.) ces propositions sont conçues de cette manière).
5.542 - Il est cependant clair que « A croit que p », « A pense p », « A dit p » sont de la forme « “p” dit p », et il ne s'agit pas ici de la coordination d'un fait et d'un objet, mais de la coordination de faits par la coordination de leurs objets.
5.5421 - Ceci montre encore que l'âme - le sujet, etc. -, telle qu'elle est conçue dans la psychologie superficielle d'aujourd'hui, est une pseudo-chose.
Car une âme composée ne serait en effet plus une âme.
5.5422 - L'explication correcte de la forme de la proposition « A juge que p » doit montrer qu'il est impossible qu'un jugement soit dépourvu de sens. (La théorie de Russell ne satisfait pas à cette condition). 5.5423 - Percevoir un complexe signifie percevoir que ses éléments sont dans tel ou tel rapport.
Ceci explique bien aussi que l'on puisse voir de deux manières la figure ci-dessous comme un cube ; et de même pour tous les phénomènes analogues. Car nous voyons alors réellement deux faits distincts.
(Si je regarde tout d'abord les sommets marqués a, et seulement marginalement les sommets marqués b, a paraît être en avant ; et inversement). P. 91
5.55 - Il nous faut maintenant répondre a priori à la question concernant toutes les formes possibles de propositions élémentaires.
La proposition élémentaire se compose de noms. Mais puisque nous ne pouvons fixer le nombre des noms ayant des significations distinctes, nous ne pouvons de même fixer la composition de la proposition élémentaire.
5.551 - Notre principe est que toute question susceptible d'être en général décidée par la logique, doit pouvoir être décidée sans autre apport.
(Et si nous nous trouvons en situation de devoir résoudre un tel problème en observant le monde, cela montre que nous nous sommes engagés dans une voie fondamentalement erronée).
5.552 - L'« expérience » dont nous avons besoin pour comprendre la logique, ce n'est pas qu'il y ait tel ou tel état de choses, mais qu'il y ait quelque chose : mais ce n'est pas là une expérience.
La logique est antérieure à toute expérience - que quelque chose est ainsi. Elle est antérieure au Comment, non au Quoi.
5.5521 - Et s'il n'en était pas ainsi, comment pourrions-nous appliquer la logique ? On pourrait dire : s'il y avait une logique même sans qu'il y ait un monde, comment pourrait-il donc y avoir une logique alors qu'il y a un monde ?
5.553 - Russell a dit qu'il y avait des relations simples entre différents nombres de choses (d'individus). Mais entre quels nombres ? Et comment doit-il en être décidé ? Par l'expérience ?
(Il n'y a pas de nombre distingué).
5.554 La fixation de chaque forme spécifique serait totalement arbitraire.
5.5541 Il doit pouvoir être fixé a priori, par exemple, si je peux me trouver obligé de dénoter quelque chose au moyen du signe d'une relation à 27 termes. P. 92
5.5542 Mais avons-nous proprement le droit de poser la question ? Pouvons-nous proposer une forme de signe sans savoir s'il peut lui correspondre quelque chose ?
La question suivante a-t-elle un sens : que faut-il qui soit pour que quelque chose ait lieu ?
5.555 Il est clair que nous avons le concept de proposition élémentaire indépendamment de sa forme logique particullière.
Mais quand il est possible de créer des symboles selon un système, c'est ce système qui est logiquement important et non les symboles individuels.
Et comment se pourrait-il qu'en logique j'aie affaire à des formes que je puis inventer ; c'est bien plutôt à ce qui me rend capable de les inventer que je dois avoir affaire.
5.556 Il ne peut y avoir de hiérarchie des formes des propositions élémentaires. Nous ne pouvons anticiper que ce que nous-mêmes construisons.
5.5561 La réalité empirique est circonscrite par la totalité des objets. Cette frontière se montre encore dans la totalité des propositions élémentaires.
Les hiérarchies sont et doivent être indépendantes de la réalité.
5.5562 - Si nous savons par des raisons purement logiques qu'il doit y avoir des propositions élémentaires, quiconque comprend les propositions sous leur forme non analysée doit alors le savoir.
5.5563 - Toutes les propositions de notre langue usuelle sont en fait, telles qu'elles sont, ordonnées de façon logiquement parfaite. La chose excessivement simple qu'il nous faut offrir ici n'est pas une ressemblance métaphorique de la vérité, mais la vérité même dans sa totalité.
(Nos problèmes ne sont pas abstraits, mais au contraire peut-être les plus concrets qui soient).
5.557 - L'application de la logique décide quelles sont les propositions élémentaires.
Ce qui appartient à son application, la logique ne peut le présupposer. P. 93
Il est clair que la logique ne saurait entrer en conflit avec son application.
Mais la logique doit être en contact avec son application.
La logique et son application ne doivent donc pas empiéter l'une sur l'autre.
5.5571 - Si je ne puis fixer a priori les propositions élémentaires, vouloir les fixer doit conduire à ce qui est manifestement dépourvu de sens.
5.6 - Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde. 5.61 - La logique remplit le monde ; les frontières du monde sont aussi ses frontières.
Nous ne pouvons donc dire en logique : il y a ceci et ceci dans le monde, mais pas cela.
Car ce serait apparemment présupposer que nous excluons certaines possibilités, ce qui ne peut avoir lieu, car alors la logique devrait passer au-delà des frontières du monde ; comme si elle pouvait observer ces frontières également à partir de l'autre bord.
Ce que nous ne pouvons penser, nous ne pouvons le penser ; nous ne pouvons donc davantage dire ce que nous ne pouvons penser.
5.62 Cette remarque fournit la clef pour décider de la réponse à la question : dans quelle mesure le solipsisme est-il une vérité ?
Car ce que le solipsisme veut signifier est tout à fait correct, seulement cela ne peut se dire, mais se montre.
Que le monde soit mon monde se montre en ceci que les frontières du langage (le seul langage que je comprenne) signifient les frontières de mon monde.
5.621 - Le monde et la vie ne font qu'un.
5.63 - Je suis mon monde. (Le microcosme).
5.631 - Il n'y a pas de sujet de la pensée de la représentation. P. 94
Si j'écrivais un livre intitulé Le monde tel que je l'ai trouvé, je devrais y faire aussi un rapport sur mon corps, et dire quels membres sont soumis à ma volonté, quels n'y sont pas soumis, etc. Ce qui est en effet une méthode pour isoler le sujet, ou plutôt pour montrer que, en un sens important, il n'y a pas de sujet : car c'est de lui seulement qu'il ne pourrait être question dans ce livre.
5.632 - Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une frontière du monde.
5.633 - Où, dans le monde, un sujet métaphysique peut-il être discerné ?
Tu réponds qu'il en est ici tout à fait comme de l'œil et du champ visue1. Mais l'œil, en réalité, tu ne le vois pas.
Et rien dans le champ visuel ne permet de conclure qu'il est vu par un œi1.
5.6331 - Le champ visuel n'a pas en fait une telle forme :
5.634 - Ce qui dépend de ceci, à savoir qu'aucune partie de notre expérience n'est en même temps a priori.
Tout ce que nous voyons pourrait aussi être autre.
Tout ce que, d'une manière générale, nous pouvons décrire, pourrait aussi être autre.
Il n'y a aucun ordre a priori des choses.
5.64 On voit ici que le solipsisme, développé en toute rigueur, coïncide avec le réalisme pur. Le je du solipsisme se réduit à un point sans extension, et il reste la réalité qui lui est coordonnée. P. 95
5.641 - Il Y a donc réellement un sens selon lequel il peut être question en philosophie d'un je, non psychologiquement.
Le je fait son entrée dans la philosophie grâce à ceci : que « le monde est mon monde ».
Le je philosophique n'est ni l'être humain, ni le corps
humain, ni l'âme humaine dont s'occupe la psychologie, mais c'est le sujet
métaphysique, qui est frontière - et non partie - du monde.
6 - La forme générale de la fonction de vérité est : [̅p, ̅ξ, N(̅ξ)].
C'est la forme générale de la proposition.
6.001 - Ce qui ne dit rien d'autre que ceci : chaque proposition est le résultat d'applications successives de l'opération N(̅ξ) à des propositions élémentaires.
6.002 Quand est donnée la forme générale selon laquelle une proposition est construite, est déjà donnée du même coup la forme selon laquelle par le moyen d'une opération une proposition en engendre une autre.
6.01 - La forme générale de l'opération Ω’(̅η est donc : [̅ξ, N(̅ξ)]’(̅η) (=̅η, ̅ξ, N(̅ξ)]).
Ce qui est la forme générale du passage d'une proposition à une autre. 6.02 - Ainsi en venons-nous aux nombres : je définis
x = Ω0’x Déf. et
Ω’Ω’υ’x = Ω’υ+1’x Déf.
Conformément à ces règles de signes nous écrivons donc la
série x, Ω’x, Ω’Ω’x, Ω’Ω’Ω’x, …
de cette manière : Ω0’x, Ω0+1’x,
Ω0+1+1’x, Ω0+1+1+1’x, …
J'écris donc, au lieu de « [x, ξ, Ω’ξ] » :
« [Ω0’x, Ωυ’x, Ωυ+1’x] ».
Et je définis :
0 + 1 = 1 Déf.
0 + 1 + 1 = 2 Déf. 0 + 1 + 1 + 1 = 3 Déf.
etc. P. 96
6.021 - Le nombre est l'exposant d'une opération.
6.022 - Le concept de nombre n'est rien d'autre que ce qui est commun à tous les nombres, la forme générale du nombre.
Le concept de nombre est le nombre variable.
Et le concept d'égalité entre nombres est la forme générale de toutes les égalités numériques particulières.
6.03 La forme générale du nombre entier est : [0, ξ, ξ+1].
6.031 - La théorie des classes est en mathématique tout à fait superflue.
Ceci dépend de ce que la généralité dont nous avons besoin en mathématique n'est pas une généralité accidentelle.
6.1 - Les propositions de la logique sont des tautologies.
6.11 - Les propositions de la logique ne disent donc rien. (Ce sont les propositions analytiques).
6.111 - Les théories qui font apparaître une proposition de la logique comme ayant un contenu sont 'toujours fausses. On pourrait croire, par exemple, que les mots « vrai » et « faux » désignent deux propriétés parmi d'autres, et que par conséquent ce soit un fait remarquable que chaque proposition possède l'une ou l'autre. Ce qui semble alors rien moins qu'aller de soi, pas plus que ne sonnerait comme allant de soi, par exemple, la proposition : « toutes les roses sont ou jaunes ou rouges », même si elle était vraie. Cette proposition acquiert alors tous les caractères d'une proposition des sciences de la nature, et c'est l'indice sûr qu'elle aura été conçue faussement.
6.112 - L'explication correcte des propositions logiques doit leur conférer une position unique parmi toutes les propositions.
6.113 - La marque particulière des propositions logiques est que l'on peut reconnaître sur le seul symbole qu'elles sont vraies, et ce fait clôt sur elle-même toute la philosophie de la P. 97 logique. Et c'est de même un des faits les plus importants que la vérité ou la fausseté des propositions non logiques ne se laisse pas reconnaître sur la seule proposition.
6.12 - Que les propositions de la logique soient des tautologies montre les propriétés formelles - logiques - de la langue, du monde.
Que les composants liés de cette manière engendrent une tautologie, voilà qui caractérise la logique de ses composants.
Pour que des propositions liées d'une certaine manière engendrent une tautologie, elles doivent avoir des propriétés déterminées de structure. Qu'elles engendrent, dans cette connexion, une tautologie, montre donc qu'elles possèdent ces propriétés de structure.
6.1201 - Que par exemple les propositions « p » et « ∼p »
dans la connexion « ∼(p.∼p) » engendrent une tautologie montre qu'elles
se contredisent l'une l'autre. Que les propositions « p ⊃ q »,
« p » , et « q » liées sous la forme :
6.1202 - Il est clair que l'on pourrait, au lieu des tautologies, employer les contradictions.
6.1203 - Pour reconnaître une tautologie comme telle, on peut dans les cas où aucun signe de généralisation n'y apparaît, se servir de la méthode intuitive suivante : j'écris, au lieu de « p » , « q », « r », etc., « VpF », VqF » , « VrF », etc. J'exprime les combinaisons de vérité au moyen d'accolades, par exemple :
et la correspondance de la vérité ou de la fausseté de la proposi tion entière, et des combinaisons de vérité de ses arguments de vérité, au mo y eItâ e traits de la manière suivante : P. 98
Ce signe, par exemple, figurerait donc la proposition p ⊃ q. Supposons maintenant que je veuille vérifier si, par exemple, la proposition ∼(p . ∼p) (loi de contradiction) est une tautologie.
La forme « ξ» sera dans notre notation écrite :
Remplaçons maintenant « q » par «p » et examinons la connexion des V et F les plus externes avec les internes ; il en résulte que la vérité de la proposition entière correspond à toutes P. 99 les combinaisons de vérité de son argument, et sa fausseté à aucune.
6.121 Les propositions de la logique démontrent les propriétés logiques des propositions, en formant par leur connexion des propositions qui ne disent rien.
On pourrait appeler encore cette méthode : méthode de réduction à zéro. Dans la proposition logique, les propositions sont mises entre elles en équilibre, et cet état d'équilibre montre alors comment ces propositions doivent être logiquement àgencées.
6.122 - Il en résulte que nous pourrions aussi bien nous passer des propositions logiques, puisque, dans une notation convenable, nous pouvons déjà reconnaître les propriétés formelles des propositions à la seule inspection de celles-ci.
6.1221 - Si, par exemple, des deux propositions « p » et « q » dans leur connexion « p ⊃ q » une tautologie résulte, il est alors clair que q suit de p.
Que par exemple « q » suive de « p ⊃ q.p »
nous le voyons sur ces deux propositions mêmes, en les liant dans
6.1222 - Cela éclaire la question : pourquoi les propositions logiques ne peuvent-elles être confirmées par l'expérience, pas plus que par l'expérience elles ne peuvent être réfutées. Non seulement une proposition de la logique ne peut être réfutée par aucune expérience possible, mais encore elle ne peut être confirmée par aucune.
6.1223 - La raison sera maintenant claire pour laquelle on a souvent eu le sentiment que les « vérités logiques » doivent être P. 100 de nous « exigées » : nous pouvons en effet les exiger, dans la mesure où nous pouvons exiger une notation convenable.
6.1224 - La raison sera également claire pour laquelle la logique a été nommée théorie des formes et des déductions.
6.123 - Il est clair que les lois logiques ne doivent pas elles-mêmes se soumettre derechef à des lois logiques.
(Il n'y a pas, comme le voulait Russell, pour chaque « type » une loi de contradiction particulière, mais une seule suffit, parce qu'elle ne s'applique pas à elle-même).
6.1231 - La marque de la proposition logique n'est pas la validité générale.
Être général veut en effet seulement dire : valoir accidentellement pour toutes choses. Une proposition non généralisée peut aussi bien être tautologique qu'une proposition généralisée.
6.1232 - La validité générale logique, on pourrait la nommer essentielle, par opposition à l'accidentelle, comme par exemple dans la proposition : « Tous les hommes sont mortels ». Des propositions comme l'« axiome de réductibilité » de Russell ne sont pas des propositions logiques, et ceci explique le sentiment que nous avons que, si elles sont vraies, elles ne sauraient l'être que par un heureux hasard.
6.1233 - Un monde dans lequel l'axiome de réductibilité ne vaudrait pas est pensable. Mais il est clair que la logique n'a rien à voir avec la question de savoir si notre monde est ou n'est pas réellement ainsi.
6. 124 - Les propositions logiques décrivent l'échafaudage du monde, ou plutôt elles le figurent. Elles ne « traitent » de rien. Elles présupposent que les noms ont une signification et les propositions élémentaires un sens : et c'est là leur connexion au monde. Il est clair que quelque chose à propos du monde doit nous être indiqué par la circonstance que certaines connexions de symboles - qui ont par essence un caractère déterminé - soient des tautologies. C'est là le point décisif. Nous avons dit P. 101 que plusieurs choses dans les symboles que nous utilisons étaient arbitraires, plusieurs ne l'étaient pas. En logique ce sont seulement les secondes qui expriment. Mais cela veut dire qu'en logique ce n'est pas nous qui exprimons, au moyen des signes, ce que nous voulons, mais qu'en logique c'est la nature des signes naturellement nécessaires qui elle-même se manifeste. Si nous connaissons la syntaxe logique d'un symbolisme quelconque, alors nous sont déjà données toutes les propositions de la logique.
6.125 - Il est possible, et même selon la conception ancienne de la logique, de donner par avance une description de toutes les propositions logiques « vraies ».
6.1251 - C'est pourquoi il ne peut jamais y avoir de surprises en logique.
6.126· - On peut calculer si une proposition appartient à la logique en calculant les propriétés logiques du symbole.
Et c'est ce que nous faisons lorsque nous « démontrons » une proposition logique. Car, sans nous préoccuper de son sens[1] ou de sa signification[2], nous construisons la proposition logique à partir d'autres propositions au moyen de règles portant seulement sur les signes.
La démonstration des propositions logiques consiste en ce que nous l'engendrons à partir d'autres propositions logiques par applications successives d'opérations déterminées, lesquelles produisent toujours de nouvelles tautologies à partir des pre mières. (Car d'une tautologie ne suivent que des tautologies).
Naturellement, cette façon de montrer que les propositions de la logique sont des tautologies ne lui est en aucune manière essentielle. Ne fût-ce que parce que les propositions dont part la démonstration doivent assurément montrer sans démonstration qu'elles sont des tautologies.
6.1261 - En logique, procédure et résultat sont équivalents. (D'où l'absence de surprises).
[1] Sinn.
[2] Bedeutung.
6.1262 - La démonstration en logique n'est qu'un auxiliaire mécanique pour reconnaître plus aisément une tautologie, quand elle est compliquée.
6.1263 - Il serait certes par trop remarquable qu'on puisse démontrer logiquement, à partir d'autres propositions, une pro position pourvue de sens, et aussi une proposition logique. Il est clair d'emblée que la démonstration logique d'une proposition pourvue de sens et la démonstration en logique doivent être deux choses totalement différentes.
6.1264 - La proposition pourvue de sens dit quelque chose, et sa démonstration montre qu'il en est comme elle le dit; en logique, chaque proposition est la forme d'une démonstration.
Chaque proposition de la logique est un modus ponens figuré en signes. (Et le modus ponens ne peut être exprimé par une proposition).
6.1265 - On peut toujours concevoir la logique de telle sorte que chaque proposition soit sa propre démonstration.
6.127 Toutes les propositions de la 'ogique ont une égale légitimité, il n'y a pas parmi elles de lois fondamentales essentielles et de propositions dérivées.
Chaque tautologie montre par elle-même qu'elle est une tautologie.
6.1271 Il est clair que le nombre des « lois logiques fondamentales » est arbitraire, car on pourrait dériver la logique d'une seule loi fondamentale, par exemple en prenant le produit logique des lois fondamentales de Frege. (Frege dirait peut-être que cette loi fondamentale ne serait plus alors immédiatement évidente. Mais il est remarquable qu'un penseur aussi rigoureux que Frege ait fait appel au degré d'évidence comme critère de la proposition logique).
6.13 - La logique n'est point une théorie, mais une image qui reflète le monde.
La logique est transcendantale.
6.2 - La mathématique est une méthode logique. P. 103
Les propositions de la mathématique sont des équations, et par conséquent des pseudo-propositions.
6.21 - La proposition de la mathématique n'exprime aucune pensée.
6.211 - Dans la vie, ce n'est pas de propositions mathématiques dont nous avons besoin, mais nous usons de la proposition mathématique, pour déduire, de propositions qui n'appartiennent pas à la mathématique, d'autres propositions, qui ne lui appartiennent pas non plus.
(En philosophie la question : « À quoi proprement nous sert ce mot, cette proposition ? » conduit toujours à des intuitions précieuses).
6.22 - La logique du monde, que les propositions de la logique montrent dans les tautologies, la mathématique la montre dans les équations.
6.23 - Si deux propositions sont mises en connexion par le signe d'égalité, cela veut dire qu'elles sont mutuellement substituables. Mais si c'est le cas, les deux expressions mêmes doivent le montrer.
Qu'elles soient mutuellement substituables caractérise la forme logique des deux expressions.
6.231 C'est une propriété de l'affirmation que l'on puisse la concevoir comme double négation.
C'est une propriété de « 1+1+1+1 » que l'on puisse le conce voir comme « (1+1)+(1+1) ».
6.232 - Frege dit que les deux expressions ont même signification[1], mais des sens[2] différents.
Mais l'essentiel dans l'équation est qu'elle n'est pas nécessaire pour montrer que les deux expressions mises en connexion par le signe d'égalité ont la même signification, car ceci les deux expressions elles-mêmes le font voir.
[1] Bedeutung.
[2] Sinn.
6.2321 Et que les propositions de la mathématique puissent être démontrées, cela ne veut rien dire d'autre sinon que leur correction est percevable sans que ce qu'elles expriment doive être comparé avec les faits, pour établir sa propre correction.
6.2322 L'identité de signification de deux propositions ne peut faire l'objet d'une assertion. Car pour faire une assertion concernant leur signification, je dois connaître cette signification : et en connaissant cette signification, je sais si elles signifient la même chose ou des choses différentes.
6.2323 L'équation ne fait connaître que le point de vue duquel je considère les deux expressions, c'est-à-dire le point de vue de leur égalité[1] de signification.
6.233 À la question de savoir si l'on a besoin de l'intuition pour résoudre un problème de mathématiques, il faut répondre que c'est justement ici le langage lui-même qui fournit l'intuition nécessaire.
6.2331 L'acte de calculer procure justement cette intuition. Le calcul n'est pas une expérience.
6.234 - La mathématique est une méthode de la logique.
6.2341 - L'essentiel de la méthode mathématique, c'est que l'on travaille avec des équations. Car sur cette méthode repose le fait que toute proposition mathématique doit se comprendre d'elle-même.
6.24 - La méthode dont use la mathématique pour obtenir ses équations est la méthode de substitution.
Les équations en effet expriment la substituabilité de deux expressions, et nous procédons d'un certain nombre d'équations à de nouvelles équations, en substituant, conformément aux équations, des expressions à d'autres. [1]
[1] Bedeutungsgleichheit.
P. 1056.241 - Ainsi se formule la démonstration de la proposition 2 x 2 = 4 :
6.3 - L'exploration de la logique signifie l'exploration de toute capacité d'être soumis à des lois. Et hors de la logique, tout est hasard.
6.31 - La prétendue loi d'induction ne peut en aucun cas être une loi logique, car elle est manifestement une loi pourvue de sens. Et elle ne peut par conséquent être une loi a priori.
6.32 - La loi de causalité n'est pas une loi, mais la forme d'une loi.
6.321 - « Loi de causalité » est un nom générique. Et de même que, disons, en mécanique, il y a des principes variationnels - par exemple la loi de moindre action -, de même il y a en physique des lois de causalité, des lois de la forme de la causalité.
6.3211 - L'on a en effet eu aussi l'idée qu'il devait y avoir une « loi de moindre action » avant de savoir comment elle se formulait. (Ici, comme toujours, une connaissance a priori se révèle comme étant une connaissance purement logique).
6.33 Nous ne croyons pas a priori en une loi de conservation, mais nous connaissons a priori la possibilité d'une forme logique.
6.34 - Toutes les propositions du genre du principe de raison suffisante, du principe de continuité de la nature, de moindre dépense dans la nature, etc., etc. sont toutes des vues a priori concernant la mise en forme possible des propositions de la science.
6.341 - La mécanique newtonienne, par exemple, uniformise la description du monde. Figurons-nous une surface blanche, avec des taches noires irrégulières. Nous disons alors : tout ce qui ressort comme image, je puis toujours en donner une description aussi approchée que je veux, en recouvrant la surface P. 106 d'un quadrillage convenablement fin et en disant de chaque carreau s'il est blanc ou noir. J'aurai ainsi uniformisé la description de la surface. Cette forme unique est arbitraire, car j'aurais pu utiliser avec le même succès un réseau à mailles triangulaires ou hexagonales. Il se peut que la description au moyen d'un réseau à mailles triangulaires soit plus simple ; ce qui veut dire que nous pourrions décrire plus exactement la surface au moyen d'un réseau à mailles triangulaires plus grossier qu'avec un quadrillage plus fin (ou inversement), et ainsi de suite. Aux différents réseaux correspondent différents systèmes de description du monde. La mécanique détermine une forme de description du monde en disant : toutes les propositions de la description du monde doivent être obtenues d'une manière donnée à partir d'un certain nombre de propositions données - les axiomes de la mécanique. Ainsi la mécanique fournit-elle les pierres pour la construction de l'édifice de la science et dit : quel que soit l'édifice que tu veux élever, tu dois le construire d'une manière ou d'une autre en assemblant ces pierres et seulement elles.
(De même que l'on peut écrire n'importe quel nombre avec le système des nombres, de même avec le système de la mécanique on peut former n'importe quelle proposition de la physique).
6.342 - Nous voyons maintenant la position relative de la logique et de la mécanique. (On pourrait constituer le réseau avec des figures différentes, par exemple des triangles et des hexagones). Qu'une image, comme celle mentionnée plus haut, se laisse décrire par un réseau de forme donnée ne dit rien concernant l'image. (Car ceci vaut pour toute image de cette espèce). Mais ce qui caractérise l'image, c'est qu'elle se laisse décrire complètement par un réseau déterminé d'une finesse déterminée.
Ainsi, que le monde se laisse décrire par la mécanique newtonienne ne dit rien le concernant, mais qu'il se laisse ainsi décrire, comme c'est justement le cas, certes si. Et encore, qu'il se laisse décrire plus simplement par une mécanique que par une autre, ceci nous dit quelque chose concernant le monde. P. 107
6.343 - La mécanique est un essai pour construire selon un plan unique toutes les propositions vraies dont nous avons besoin pour décrire le monde.
6.3431 - Â travers tout leur appareil logique, les lois physiques parlent cependant des objets du monde.
6.3432 Nous ne devons pas oublier que la description du monde par la mécanique est toujours tout à fait générale. Il n'y est jamais question, par exemple, de points matériels déterminés, mais toujours de points matériels quelconques.
6.35 - Bien que les taches dans notre image soient des figures géométriques, il va de soi que la géométrie ne peut rien dire quant à leur forme et leur position de fait. Le réseau, en revanche, est purement géométrique, toutes ses propriétés peuvent être données a priori.
Des lois comme le principe de raison suffisante, etc. concernent le réseau, non pas ce que le réseau décrit.
6.36 - S'il y avait une loi de causalité, elle pourrait se formu- 1er : « Il y a des lois de la nature ».
Mais à la vérité on ne peut le dire : cela se montre.
6.361 - Dans la terminologie de Hertz, on pourrait dire : seules des interdépendances légales sont pensables.
6.3611 - Nous ne pouvons comparer aucun processus au « cours du temps » - qui n'existe pas - mais seulement à un autre processus (par exemple à la marche du chronomètre).
C'est pourquoi la description du déroulement temporel n'est possible qu'en se fondant sur un autre processus.
Il en va analogiquement tout à fait de même pour l'espace. Quand on dit, par exemple, qu'aucun de deux événements (qui mutuellement s'excluent) ne peut se produire, parce qu'aucune cause n'est donnée par laquelle l'un devrait se produire plutôt que l'autre, il est alors question en réalité de ce que l'on ne peut décrire l'un de ces deux événements si quelque asymétrie n'est donnée. Et si une telle asymétrie est donnée, nous pouvons alors la concevoir comme la cause de la production de l'un et de la non-production de l'autre. P. 108
6.36111 Le problème kantien de la main droite et de la main gauche, que l'on ne peut faire se recouvrir, subsiste déjà dans le plan, et même dans un espace à une dimension
- - - - - o | X - | - X | o - - - - | ||||
a | b |
où l'on ne peut pas non plus faire se recouvrir les deux figures congruentes a et b sans les faire sortir de cet espace. Main droite et main gauche sont en fait parfaitement congruentes. Et que l'on ne puisse les faire se recouvrir n'a rien à y voir.
On pourrait enfiler un gant droit de la main gauche, si l'on pouvait le retourner dans un espace à quatre dimensions.
6.362 Ce qui se laisse décrire peut aussi arriver, et ce que la loi de causalité doit exclure ne se laisse pas non plus décrire.
6.363 La procédure de l'induction consiste en ceci que nous adoptons la loi la plus simple qui puisse être mise en accord avec nos expériences.
6.3631 Mais cette procédure n'a aucun fondement logique, son fondement est seulement psychologique.
Il est clair qu'il n'y a aucune raison de. croire que se produira maintenant réellement le cas le plus simple.
6.36311 Que le soleil se lèvera demain est une hypothèse. et cela veut dire que nous ne savons pas s'il se lèvera.
6.37 Rien ne contraint quelque chose à arriver du fait qu'autre chose soit arrivé. Il n'est de nécessité que logique.
6.371 Toute la vision moderne du monde repose sur l'illusion que les prétendues lois de la nature sont des explications des phénomènes de la nature.
6.372 - Aussi se tiennent-ils devant les lois de la nature comme devant quelque chose d'intouchable, comme les Anciens devant Dieu et le Destin.
Et les uns et les autres ont en effet raison et tort. Cependant les Anciens ont assurément une idée plus claire en ce qu'ils P. 109 reconnaissent une limitation, tandis que dans le système nouveau il doit sembler que tout est expliqué.
6.373 - Le monde est indépendant de ma volonté.
6.374 - Même si tous nos vœux se réalisaient, ce serait pourtant seulement, pour ainsi dire, une grâce du Destin, car il n'y a aucune interdépendance logique entre le vouloir et le monde, qui garantirait qu'il en soit ainsi, et l'interdépendance physique supposée, quant à elle, nous ne pourrions encore moins la vouloir.
6.375 - De même qu'il n'est de nécessité que logique, de même il n'est d'impossibilité que logique.
6.3751 - Que, par exemple, deux couleurs soient ensemble en un même lieu du champ visuel est impossible, et même logiquement impossible, car c'est la structure logique de la couleur qui l'exclut.
Réfléchissons à la manière dont cette contradiction[1] se présente en physique ; à peu près ainsi : une particule ne peut avoir au même instant deux vitesses ; c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être au même instant en deux lieux ; c'est-à-dire que des particules, en des lieux différents en un seul moment du temps, ne peuvent être identiques.
(Il est clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction[2]. Énoncer qu'un point du champ visuel a dans le même temps deux couleurs différentes est une contradiction).
6.4 - Toutes les propositions ont même valeur.
6.41 - Le sens du monde doit être en dehors de lui. Dans le monde, tout est comme il est, et tout arrive comme il arrive ; il n'y a en lui aucune valeur - et s'il y en avait une elle serait sans valeur.
S'il y a une valeur qui a de la valeur, elle doit être extérieure à tout ce qui arrive, et à tout état particulier. Car tout ce qui arrive et tout état particulier est accidentel.
[1] Widerspruch.
[2] Kontradiktion.
Ce qui le rend non accidentel ne peut être dans le monde, car ce serait retomber dans l'accident.
Ce doit être hors du monde.
6.42 - C'est pourquoi il ne peut y avoir de propositions éthiques. Les propositions ne peuvent rien exprimer de Supérieur[1].
6.421 - Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer. L'éthique est transcendantale. (Éthique et esthétique sont une seule et même chose).
6.422 - La première pensée qui vient en posant une loi éthique de la forme : « Tu dois … » est la suivante : et qu'en sera-t-il donc si je ne fais pas ainsi ? Il est pourtant clair que l'éthique n'a rien à voir avec le châtiment et la récompense au sens usuel. Cette question touchant les conséquences d'un acte doit donc être sans importance. Du moins faut-il que ces conséquences ne soient pas des événements. Car la question posée doit malgré tout être par quelque côté correcte. Il doit y avoir, en vérité, une espèce de châtiment et une espèce de récompense éthiques, mais ils doivent se trouver dans l'acte lui-même.
(Et il est clair aussi que la récompense doit être quelque chose d'agréable, le châtiment quelque chose de désagréable).
6.423 Du vouloir comme porteur de l'éthique on ne peut rien dire.
Et le vouloir comme phénomène n'intéresse que la psychologie.
6.43 - Si le bon ou le mauvais vouloir changent le monde, ils ne peuvent changer que les frontières du monde, non les faits ; non ce qui peut être exprimé par le langage.
En bref, le monde doit alors devenir par là totalement autre. Il doit pouvoir, pour ainsi dire, diminuer ou croître dans son ensemble.
Le monde de l'homme heureux est un autre monde que celui de l'homme malheureux.
[1] nichts Höheres.
P. 1116.431 - Ainsi dans la mort, le monde n'est pas changé, il cesse.
6.4311 - La mort n'est pas un événement de la vie. On ne vit pas la mort.
Si l'on entend par éternité non la durée infinie mais l'intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.
Notre vie n'a pas de fin, comme notre champ de vision est sans frontière.
6.4312 - L'immortalité de l'âme humaine, c'est-à-dire sa survie éternelle après la mort, non seulement n'est en aucune manière assurée, mais encore et surtout n'apporte nullement ce qu'on a toujours voulu obtenir en en recevant la croyance. Car quelle énigme se trouvera résolue du fait de mon éternelle survie ? Cette vie éternelle n'est-elle pas aussi énigmatique que la vie présente ? La solution de l'énigme de la vie dans le temps et dans l'espace se trouve en dehors de l'espace et du temps.
(Ce n'est pas la solution des problèmes de la science de la nature qui est ici requise).
6.432 - Comment est le monde, ceci est pour le Supérieur parfaitement indifférent. Dieu ne se révèle pas dans le monde.
6.4321 - Les faits appartiennent tous au problème à résoudre, non pas à sa solution.
6.44 - Ce n'est pas comment est le monde qui est le Mystique, mais qu'il soit.
6.45 - La saisie du monde sub specie œterni est sa saisie comme totalité bornée.
Le sentiment du monde comme totalité bornée est le Mystique.
6.5 - D'une réponse qu'on ne peut formuler, on ne peut non plus formuler la question.
Il n'y a pas d'énigme.
Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse.
6.51 - Le scepticisme n'est pas irréfutable, mais évidemment P. 112 dépourvu de sens, quand il veut élever des doutes là où l'on ne peut poser de questions.
Car le doute ne peut subsister que là où subsiste une question; une question seulement là où subsiste une réponse, et celle-ci seulement là où quelque chose peut être dit.
6.52 - Nous sentons que, à supposer même que toutes les questions scientifiques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts. À vrai dire, il ne reste plus alors aucune question; et cela même est la réponse.
6.521 La solution du problème de la vie, on la perçoit à la disparition de ce problème.
(N'est-ce pas la raison pour laquelle les hommes qui, après avoir longuement douté, ont trouvé la claire vision du sens de la vie, ceux-là n'ont pu dire alors en quoi ce sens consistait?)
6.522 Il Y a assurément de l'indicible. Il se montre, c'est le Mystique.
6.53 La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature - quelque chose qui, par conséquent, n'a rien à faire avec la philosophie -, puis quand quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre - qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie - mais ce serait la seule strictement correcte.
6.54 Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen - en passant sur elles - il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l'échelle après y être monté).
Il lui faut dépasser ces propositions pour voir correctement le monde.
7 - Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Faut-il faire précéder d'une préface la traduction du Tractatus ? L'exemple malheureux de Russell suffirait à nous en dissuader. Rédigée par l'un des philosophes les plus pénétrants de son temps, et apparemment le plus capable de comprendre l'originalité de son cadet, sa préface que l'on lira n'eut pas l'heur, c'est le moins que l'on puisse dire, de plaire à Wittgenstein. Il écrit dans une lettre en allemand du 6 mai 1922, adressée à Russell :
Il est permis d'attribuer au souci de ménager quelque peu son ami l'allusion à la « finesse du style anglais » et de retenir surtout la « superficialité et l'incompréhension ». Jugement sévère, mais pas tout à fait inexact comme pourra s'en assurer le lecteur. Avec infiniment moins de talent que Russell mais beaucoup plus de recul, il ne serait sans doute pas impossible d'espérer éviter un désaveu aussi radical - qui ne serait alors il est vrai, de toute façon, que posthume. Le présent traducteur ne s'y risquera pourtant pas, estimant que, malgré sa difficulté et son P. 10 laconisme, le texte du Tractatus peut aujourd'hui être présenté dans son orgueilleuse et souveraine nudité.
Le Tractatus propose une philosophie complète. Les sept aphorismes pricipaux ne sont cependant pas des thèses, mais des élucidations, successivement enchaînées, de ce qu'il est légitime de formuler dans le langage touchant la réalité (le monde). Il s'agit donc d'une philosophie « négative », au sens où les théologiens parlent d'une théologie négative, circonscrivant seulement les frontières de ce qui serait pensable à propos de Dieu. Le Tractatus a pour but non de dire ce qu'est la réalité du monde, mais de délimiter ce qui en est pensable, c'est-à-dire exprimable dans un langage. Et seules les propositions de la science, vraies oufausses, satisferaient à cette exigence. Le discours du philosophe ne peut que rendre manifeste le fonctionnement correct du langage et montrer le caractère illusoire de son usage lorsqu'il prétend aller au-delà d'une description des faits.
Wittgenstein reviendra plus tard, dans ses écrits postérieurs, sur les difficultés internes de cette philosophie négative, sans toutefois abandonner vraiment l'idée qu'un tel discours ne peut rien nous dire du monde des faits. Il insistera alors sur la pluralité des formes possibles d'utilisation du langage, et sur le caractère thérapeutique de l'usage que le philosophe en peut faire. A ussi bien, comme il le fait remarquer lui-même en quelque endroit, on ne saurait saisir le sens de cette philosophie renouvelée que si l'on a traversé le moment du Tractatus.
Ce bref ouvrage n'est pas seulement un des textes marquants de la philosophie contemporaine, il est aussi une œuvre d'art qui frappe par la concision incisive de la langue et la cadence souvent poétique du style philosophique. Incessu, comme dit le poète, incessu patuit dea. « À sa démarche on reconnut la déesse ». Une traduction parfaite devrait donc transposer dans notre langue et faire sentir au lecteur cette qualité littéraire. On ne saurait se vanter d'y être généralement parvenu. D'autant plus qu'une autre exigence, dominante, devait être satisfaite, à savoir l'obligation majeure de transmettre exactement le contenu philosophique du texte. Pour y parvenir une condition minimale était de maintenir en français une uniformité de traduction rigoureuse du vocabulaire philosophiquement significatif, bien que le P. 11 contexte français suggère parfois des variantes ; on trouvera dans l'index les mots allemands ainsi traduits. On a ajouté quelques notes, en très petit nombre, soit pour attirer l'attention en cours de lecture sur le mot allemand, soit pour éclairer le sens littéral d'une expression, mais jamais pour esquisser un commentaire ou une interprétation philosophique, largement réalisée dans d'autres ouvrages ainsi que par d'autres auteurs.
Cette traduction doit beaucoup à Françoise Bock, naguère ma collègue à l'Université de Provence, qui a bien voulu en réviser, et en a considérablement amélioré, une première version. Je lui exprime ici le plaisir que m'a donné cette collaboration, et ma très vive gratitude. Il va de soi que je suis seul responsable de l'ensemble et des aspects critiquables qui peuvent y subsister.