PRÉC. SOMM SUIV.
Gregory Bateson - Vers une Écologie de l'esprit
II - Forme et modèle en anthropologie

- II.5 - Style, grâce et information dans l'art primitif [*] -

Aldous Huxley avait l'habitude de dire que le problème fondamental de l’homme est la recherche de la grâce. Ce mot, qu’il utilisait dans le sens du Nouveau Testament, il l'explique par ailleurs en ses propres termes : il soutient, comme Walt Whitman, qu’il y a dans la communication et le comportement des animaux une naïveté, une simplicité, que l’homme a perdues. Son comportement à lui est dévoyé par la tromperie – par l’auto-tromperie, même –, par le but et par la conscience de « soi », Selon Huxley, l’homme aurait perdu la « grâce » que seulement les animaux ont conservée.

En fonction de cette opposition, il disait que Dieu doit être plus près de 1’animal que de l’homme, car idéalement il est incapable de tromperie et libre de toute confusion intérieure. Sur l’échelle des êtres vivants, l’homme est ainsi privé de sa place centrale, puisqu'ïl manque de cette grâce propre à l’animal et à Dieu.

Pour ma part, j'affirme que c’est dans l’art que l’homme est à la quête de cette grâce perdue ; c’est l’art qui le porte à l’extase du succès (même partie), ou au désespoir et à l’angoisse de l’échec.

Mon propos ici est de démontrer que le problème de la grâce est une question d'intégration, c’est-à-dire d’intégration des différentes parties de l’esprit – et, particulièrement, de ces niveaux multiples dont un des extrêmes est appelé « conscience » et l’autre « inconscient ». Pour parvenir à la grâce les raisons du cœur doivent s’unir avec les raisons de la raison.

Au cours de ce congrès même, Edmund Leach nous a confrontés à la question suivante : Comment se fait-il que l’art d’une culture puisse avoir signification et validité pour des critiques qui ont été nourris d’une culture différente ? Je répondrai que, si l’art exprime, d’une façon ou d’une autre, la grâce ou l'intégration psychique, alors le succès de cette expression peut être (et, en fait, est) reconnu au-delà des barrières culturelles. La grâce physique des chats est profondément différente de celle des chevaux, et pourtant l’homme qui ne possède ni l’une ni l’autre est sensible à toutes deux.

Et même si le thème de l’œuvre d’art est l’échec de l’intégration, la reconnaissance, dans différentes cultures, des fruits de ce manquement n’est pas trop surprenante.

La question centrale est à mes yeux la suivante : Sous quelle forme l’information concernant l'intégration psychique est-elle contenue ou codée dans l’œuvre d’art ?

Style et signification

On entend souvent dire que « tout tableau raconte une histoire » ; et cette généralisation est valable pour la plupart des œuvres d’art, si nous en excluons la décoration « purement » géométrique. Mais ce que je veux ici c’est précisément éviter d’analyser l’« histoire » : ce n’est pas de cet aspect de l’œuvre d’art, qui peut si aisément être réduit aux mots – mythologie associée au thème –, dont je veux parler ; et en ce sens je ne mentionnerai même pas, si ce n’est à la fin, la mythologie inconsciente du symbolisme phallique.

Ce qui m’intéresse, ce sont les informations psychiques importantes contenues dans l’objet d’art, indépendamment de ce qu’il peut « représenter » : « Le style c’est l’homme »[**] (Buffon). Qu’est-ce qu’il y a donc d'implicite dans le style, dans les matériaux, la composition, le rythme, l'habileté, etc. ?

ll est évident que ce problème nous renvoie à la décoration géométrique, ainsi qu’à la composition et aux aspects stylistiques des œuvres d’art les plus représentatives.

Les lions de Trafalgar Square auraient été des aigles ou des bouledogues, ils n’en auraient pas moins transmis le même message (ou un message analogue), relatif à l’Empire et aux prémisses culturelles de l’Angleterre du XIX° siècle. Cependant, comme le message aurait été différent si les lions avaient été en bois !

C’est dire que le « représentationnisme » comme tel est significatif : les chevaux et les cerfs extrêmement réalistes d’Altamira ne relèvent certainement pas des mêmes prémisses culturelles que les contours noirs, hautement stylisés, de la période ultérieure. Le code à l’aide duquel les objets perçus ou les personnes (ou les êtres surnaturels) sont transformés en bois ou en peintures est une source d’information sur l’artiste et sur son milieu de culture,

Ce sont les règles mêmes de la transformation qui m’intéressent ici : pas le message donc, mais le code.

Mon but n’est pas instrumental : autrement dit, je ne veux pas, une fois découvertes, utiliser les règles de transformation pour détruire la transformation ou pour « décoder » le message. Traduire l’objet d’art en histoire mythologique, pour examiner ensuite celle-ci, ne serait tout simplement qu’une façon d’éluder ou de nier la question : « Qu’est-ce que l’art ? »

Mon interrogation ne porte donc pas sur la signification du message codé, mais sur la signification du code choisi ; encore faudrait-il définir ici le mot « signification », qui est traître.

Pour un premier abord, on peut le désigner de la façon la plus générale possible : « signification » comme synonyme approximatif de modèle, redondance, information et « restriction », dans le cadre d’un paradigme du type suivant :

Tout agrégat d’événements ou d’objets (par exemple : une séquence de phonèmes, une peinture, une grenouille ou une culture) est dit contenir une « redondance » ou un « modèle » si en le divisant de quelque façon que ce soit par une « barre », un observateur qui perçoit seulement ce qui se trouve d’un côte de la barre peut deviner, sans trop risquer de se tromper, ce qui se trouve de l’autre côté ; on peut également dire que ce qui est d’un côté contient de l’information (ou une signification) quant à ce qui se trouve de l’autre côté ; ou bien, en termes techniques, que l’ensemble contient de la « redondance » ; ou encore, du point de vue de la cybernétique, que l’information disponible sur un côté de la barre restreint les chances de mal deviner (réduit cette probabilité).

Exemple :

— La lettre T, à un endroit donné d’un texte écrit en anglais, suggère que la lettre suivante sera probablement un H, un R ou une voyelle ; autrement dit, il est simple de deviner, au-delà de cette marque, la lettre qui suit immédiatement le T. C’est dire que l'orthographe anglaise comporte une redondance.

— A partir d’un morceau de phrase anglaise délimité par une barre, on peut deviner la structure syntaxique du reste de la phrase.

— A partir d’un arbre, visible au-dessus du sol, on peut deviner l’existence des racines enfouies dans la terre. La cime fournit de l’information sur la base.

— A partir d’un arc de cercle dessiné, on peut deviner la position des autres parties de la circonférence (du diamètre d’un cercle idéal, on peut déterminer la longueur de sa circonférence. Mais cela n’est qu’une question de vérité à l’intérieur d’un système tautologique).

— La façon dont le patron s’est conduit la veille permet de deviner comment il se conduira le lendemain.

— De ce que je dis, on peut, en quelque sorte, prévoir la manière dont vous allez répondre. Mes paroles contiennent de l’information (ou font sens) quant à votre réponse.

Le télégraphiste A a un message écrit sur son bloc-notes et câble ce message à B qui, à son tour, aura donc la même séquence de lettres inscrite sur son bloc-notes. Cette opération (ou « jeu de langage », selon l’expression de Wittgenstein) crée un univers redondant pour un observateur O. Si O sait ce qui était écrit sur le bloc-notes de A, il peut deviner, sans trop risquer de se tromper, ce qui est inscrit sur le bloc-notes de B.

L’essence et la raison d’être[*#] de la communication est la création de la redondance, de la signification, du modèle, du prévisible, de l’information et/ou de la réduction du hasard par la « restriction ». Il est, je pense, de toute première importance d’avoir un système conceptuel qui oblige à considérer le « message » (l’objet d’art, par exemple) à la fois comme structuré intérieurement et comme partie d’un univers structuré plus vaste : la culture ou une partie de celle-ci.

On croit d’ordinaire que les caractéristiques des objets d’art se rapportent à des caractéristiques des systèmes culturels et psychologiques, qu’elles en sont partiellement dérivées ou déterminées par celles-ci. En simplifiant à l'extrême, nous pouvons représenter notre problème par le diagramme suivant :

[CARACTÉRISTIQUES DE L’OBJET D’ART /
CARACTÉRISTIQUES DU RESTE DE LA CULTURE],
où les crochets renferment l'univers de référence et la barre représente la marque à travers laquelle il est possible de deviner dans les deux directions. Le problème est alors d’exprimer les types de relations, de correspondances etc., qui traversent ou transcendent cette barre.

Prenons le cas où je vous dis : « ll pleut », et vous-devinez qu’en regardant par la fenêtre, vous verrez des gouttes de pluie ; un diagramme analogue fera également l'affaire :

[CARACTÉRISTIQUES DE « IL PLEUT » /
PERCEPTION DES GOUTTES DE PLUIE].

Soulignons cependant que cette situation n’est pas si simple. Ce n’est qu’en connaissant la langue que je parle et vous qu’en me faisant confiance, que vous serez capable de deviner quelque chose à propos de gouttes de pluie. De fait, rares sont ceux qui, dans cette situation, peuvent s’empêcher de doubler (tout au moins apparemment) l’information reçue d’un regard jeté par la fenêtre. Nous aimons nous prouver à la fois que nous avons deviné juste et que nos amis sont honnêtes. Et plus important encore, nous aimons tester ou vérifier la justesse de notre façon de concevoir nos relations avec autrui.

Ce dernier point n’est pas négligeable. Il illustre, en effet, la structure nécessairement hiérarchisée de tout système communicationnel : le fait de la conformité ou de la non-conformité réciproques (ou de n'importe quelle autre relation) des parties d’un tout structuré, eut lui-même être informatif, en tant que partie d’un ensemble plus vaste. On peut représenter la chose ainsi :

[(« IL PLEUT » / GOUTTES DE PLUIE) / RAPPORT Toi-Moi],

où la redondance à travers la barre à l’intérieur de l’univers plus petit, contenu entre les parenthèses rondes, suggère (est un message sur) une redondance dans l’univers plus vaste, délimité par des crochets.

Mais le message « Il pleut » est lui-même codé de façon conventionnelle et structuré intérieurement, si bien qu’on pourrait y placer plusieurs barres, en indiquant ainsi la structuration à l’intérieur même du message.

ll en est de même pour la « pluie » : elle aussi est modelée et structurée. De la direction d’une goutte de pluie, je peux prédire la direction des autres gouttes, etc.

Cependant les barres qu’on peut tracer à travers le message verbal « Il pleut » ne correspondent, d'aucune façon simple, à celles qu'on peut tracer a travers les gouttes de pluie.

Si, au lieu d’un message verbal, je vous avais donné une image de la pluie, certaines des barres tracées sur le dessin auraient coirespondu à celles tracées à l’intérieur de la pluie.

Cette différence nous fournit un critère formel précis pour séparer la codification « arbitraire » et digitale, qui caractérise la partie verbale du langage, du codage iconique de la description par l’image.

Cependant, la description verbale est souvent iconique dans sa structure plus vaste. Un naturaliste qui décrit un ver de terre peut commencer par la tête et descendre peu à peu vers l’autre extrémité : il produira ainsi une description qui est iconique dans sa séquence et son élongation. Ici encore, nous remarquons une structuration hiérarchisée, digitale ou verbale à un niveau, iconique à l’autre.

Niveaux et types logiques

Nous avons déjà mentionné les « niveaux » :

>a) la combinaison du message « Il pleut » avec la perception des gouttes de pluie peut constituer elle-même un message relatif à l’univers de relations personnelles ;

b) lorsque nous déplaçons notre centre d’attention des petites unités du matériel de message, à des unités plus vastes, nous pouvons découvrir que celles-ci contiennent un codage iconique, bien que les parties qui les composent soient verbales : la description verbale d’un ver de terre, dans sa totalité, peut être allongée.

Le probleme des niveaux apparaît alors sous une autre forme, essentielle pour toute épistémologie de l’art.

En anglais, le mot « know » n’est pas seulement ambigu du fait qu’il signifie à la fois connaître[#*] (connaître par les sens, reconnaître ou percevoir) et savoir[#*] (savoir dans l’esprit), mais également du fait qu’il varie – change activement – de signification pour des raisons fondamentales systémiques : ce que nous connaissons par les sens peut devenir connaissance (savoir) dans l’esprit.

« I know the way to Cambridge » (« Je connais la route de Cambridge ») peut signifier en anglais que j’ai étudié la carte et que je puis vous donner des indications. Cela peut signifier aussi que je me souviens des détails du trajet ; ou bien qu’en roulant sur cette route, je reconnais de nombreux détails, alors même qu’auparavant je ne pouvais m’en rappeler que tres peu ; ou enfin qu’en roulant vers Cambridge, je peux compter sur l’« habitude » pour tourner aux bons embranchements, sans avoir à penser où je vais. Et ainsi de suite.

En tout cas, nous avons affaire à une redondance ou à une structuration assez complexe :

[(« JE SAIS. .. » / MON ESPR1T) / / LA ROUTE],

et la difficulté consiste alors à déterminer la nature de la structuration, à l’intérieur des parenthèses rondes, ou bien, pour parler autrement, à déterminer quelles parties de l’esprit sont redondantes avec le message particulier relatif à la « connaissance » (knowing).

Enfin, il y a une forme spéciale de « knowing », que l’on a d’habitude tendance à considérer comme adaptation plutôt que comme information : le requin est merveilleusement taillé pour se mouvoir dans l’eau et cependant les gènes du requin ne contiennent certainement aucune information directe relative à l’hydrodynamique. Il serait bien plus juste de supposer que les gènes contiennent des informations ou des instructions qui sont le complément de l’hydrodynamique : ce n’est pas 1’hydrodynamique, mais uniquement ses exigences qui ont été inscrites dans les gènes. De même, un oiseau migrateur ne connaît peut-être, en aucun des sens précités, le trajet vers sa destination, tout en possédant les instructions complémentaires nécessaires pour voler dans la bonne direction.

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ? »[*#*] C’est cette disposition complexe du conscient .et de l'inconscient qui crée des difficultés lorsque nous essayons de parler d’art, de rituel ou de mythologie. La question des niveaux de l’esprit a été abordée à maints points de vue, dont il convient de mentionner au moins quatre, qu’on peut prendre en considération dans toute approche scientifique de l’art :

1. Samuel Butler disait que, mieux un organisme « connaît » quelque chose, moins il est conscient de cette connaissance – c'est-à-dire qu’il existe un processus par lequel la connaissance (ou l’« habitude » d’action, de perception ou de pensée) s’enfonce à des niveaux de plus en plus profonds de l’esprit. Ce phénomène, essentiel dans le zen (cf. Herrigel, Zen in the Art of Archery[#]), est valable aussi pour tous les arts et pour toutes les compétences artistiques.

2. Adelbert Ames a démontré que les images visuelles conscientes à trois dimensions, que nous formons à partir de ce que nous voyons, se constituent à travers des processus qui impliquent des prémisses mathématiques de perspective, etc., de l’usage desquelles nous sommes totalement inconscients ; sur ces processus nous n'avons aucun contrôle volontaire. La représentation d’une chaise dans la perspective de van Gogh contredit toute prévision « rationnelle » et rappelle à la conscience ce qui avait été (inconsciemment) considéré jusque-là comme donné.

3. La théorie freudienne (dans l'exposé de Fénichel) des rêves conçus comme métaphores codées dans le processus primaire. Je considérerai le style - netteté, audaces des contrastes, etc. – comme métaphorique et, par conséquent, lié à ces niveaux de l’esprit où règne le processus primaire.

4. La vision freudienne de l’inconscient, considéré comme une cave ou un placard où les souvenirs effrayants et pénibles sont ensevelis par un processus de refoulement.

La théorie freudienne classique affirme que les rêves sont un produit secondaire, créé par un « travail du rêve », Le matériel inacceptable pour la pensée consciente est censément traduit dans l’idiome métaphorique du processus primaire, pour éviter d’éveiller le dormeur. Il peut en être ainsi pour ces éléments d’information qui sont maintenus dans l’inconscient par le processus du refoulement. Cependant, comme nous l’avons vu, maints autres types d’informations demeurent inaccessibles à l’inspection consciente, y compris par exemple la plupart des prémisses de l’interaction, chez les mammifères. Il me semble sensé de penser que ces éléments existent d’abord dans l’idiome du processus primaire, avec la seule difficulté de leur traduction en termes « rationnels ». Autrement dit, je crois qu’une bonne partie de la théorie freudienne initiale se tenait la tête en bas. A cette époque, nombreux étaient ceux qui concevaient la raison consciente comme normale et s’expliquant delle-même, tandis que l’inconscient passait pour mystérieux, exigeant preuves et explications. Le refoulement était donc l’explication et, de ce fait, l’inconscient était rempli de pensées qui auraient pu être conscientes, mais que le refoulement et le travail du rêve avaient détournées. Aujourd’hui, ce qui est mystérieux c’est la conscience, tandis que les méthodes combinatoires de l'inconscient, notamment, le processus primaire, passent pour être continuellement actives, nécessaires et universelles.

Ces considérations sont, à mon sens, particulièrement appropriées pour toute tentative d’élaborer une théorie de l’art ou de la poésie. La poésie n’est pas une sorte de prose détournée et décorée ; c’est plutôt la prose qui est une poésie démontée et ligotée sur le lit procustéen de la logique. Les spécialistes des ordinateurs, qui voudraient programmer la traduction d’une langue en une autre, oublient quelquefois le fait de la nature primaire du langage. D’autre part, essayer de construire une machine qui traduirait l’art d’une culture en l’art d’une autre, serait également stupide.

L’allégorie – qui est, tout au plus, une sorte d’art de mauvais goût - est une inversion du processus créatif normal : une relation abstraite (par exemple, entre la vérité et la justice) est d’abord conçue en termes rationnels ; puis, métaphorisée et bichonnée, elle doit valoir pour le produit d’un processus primaire. Des abstractions sont ainsi personnifiées et transformées, pour être inscrites dans un pseudo-mythe, etc. Une grande partie de l’art publicitaire est allégorique, en ce sens que le processus créatif est inversé.

Le système de clichés des Anglo-Saxons contient ce postulat général : il serait préférable que l’inconscient soit rendu conscient. On rapporte même que Freud aurait dit : « Wo Es war, soll Ich werder ? »[##]), comme si cet accroissement du savoir et du contrôle conscients était possible, et comme si cela correspondait à une amélioration. Une telle idée est le produit d’une épistémologie entièrement tordue et d’une vision dénaturée de ce qu’est l’homme ou tout autre organisme.

Des quatre types d’inconscient que nous avons énumérés, il est évident que les trois premiers sont nécessaires. Pour des raisons de fonctionnement évidentes[1], la conscience doit toujours être limitée à une fraction relativement restreinte du processus mental : parce qwextrêmement utile, elle doit être épargnée. L'inconscient associé à l’habitude réalise une économie à la fois de pensée et de conscience ; cela est également vrai pour le fait que la conscience n’a pas d’accès aux processus de perception. L'organisme conscient n’a pas besoin de savoir (dans des buts pragmatiques) comment il perçoit, mais uniquement ce qu’il perçoit. (Suggérer que nous pourrions fonctionner sans l’aide de ce fondement qui est le processus primaire serait comme dire que le cerveau humain devrait être structuré différemment.) Des quatre types d'inconscient, seule cette sorte de placard à cadavres est peut-être indésirable et pourrait être évitée. Cela dit, il pourrait aussi y avoir quelque avantage à ne pas mettre le cadavre sur la table de la salle à manger.

A vrai dire, notre vie est telle que ses éléments inconscients sont toujours présents, sous toutes leurs formes multiples. Il en résulte que dans nos relations nous échangeons continuellement des messages à propos de ce matériel inconscient ; ce qui, dans cette optique, devient également important c’est d’échanger des méta-messages, pour laisser entendre quel ordre et quelle espece d’inconscient (ou de conscience) sont associés à nos messages.

Cela est important en un sens purement pragmatique, car l’ordre de vérité est différent pour les différents types de messages. Dans la mesure où un message est conscient et volontaire, il peut être trompeur. Je peux vous dire que le chat est sur le paillasson quand, en fait, il n’y est pas ; je peux également vous dire : « je vous aime » quand, en fait, il n’en est rien. Mais le discours à propos d’une relation s’accompagne généralement d’une foule de signaux semi-volontaires, kinésiques et autonomes, qui fournissent un commentaire plus digne de foi que le message verbal.

De même la compétence (skill) artistique dénote la présence d'importants composants inconscients au niveau de la performance.

Il semble donc tout à fait pertinent de regarder toute œuvre d’art en se posant la question : tel élément du matériel de message, à quel ordre d’inconscient (ou de conscient) de l’artiste correspond-il ? Et, cette question, je crois, un critique sensible se la pose toujours, même si ce n’est pas consciemment.

L’art devient, dans cette perspective, un exercice de communication à propos des types d'inconscient. Ou si l’on préfère, une sorte de comportement ludique qui a entre autres la fonction de pratiquer et de perfectionner une communication de ce genre.

Prenons, par exemple, cette citation d’Isadora Duncan : « Si je pouvais vous dire ce que cela signifie, il n’y aurait aucune raison pour que je danse »[2].

Cette affirmation est pourtant ambiguë. Dans les termes presque vulgaires de nos prémisses culturelles, nous pourrions la traduire ainsi : « ll n’y a aucune raison pour que je danse, puisque je peux tout aussi bien vous la raconter, cette chose, plus rapidement et de façon moins ambiguë, en parlant. » Cette interprétation va de pair avec l’idée sotte selon laquelle ce serait bien d’être conscient de tout ce dont nous sommes inconscients.

Mais on peut donner aussi une autre signification à la remarque d'Isadora Duncan : si le message était du type que l’on peut communiquer à l’aide de mots, il n’y aurait aucune raison de danser ; mais, dans ce cas, il ne s’agit pas de ce type de message. Il s’agit précisément, du genre de message qui serait falsifié si on le communique à l’aide des mots ; l’utilisation des mots (hormis, bien sûr le cas de la poésie) impliquerait que ceci soit un message pleinement conscient et volontaire, ce qui est tout simplement faux.

A mon sens, ce que Isadora Duncan, ou tout autre artiste, essaie de communiquer correspond davantage à : « C’est d’un type particulier de message qu’il s’agit, un message partiellement inconscient. Occupons-nous donc de ce type particulier de communication, partiellement inconsciente. » Ou, peut-être, encore : « C’est un message relatif à la confrontation entre conscient et inconscient. »

Le message de la compétence artistique de toute sorte doit toujours se présenter sous cette forme. Les sensations et les qualités qui la constituent ne peuvent aucunement être exprimées, alors même qu’on en a pleinement conscience.

Le dilemme de l’artiste est d’un type tout à fait particulier : il doit pratiquer pour pouvoir mettre en œuvre sa compétence. Mais pratiquer a toujours un effet double : d’un côté, cela le rend plus apte à réaliser tout ce qu’il est en train d’entreprendre ; d’un autre côté, à travers le phénomène de la formation des habitudes, il devient moins conscient de la façon dont il travaille.

Si sa tentative est de communiquer à propos des éléments inconscients de sa performance, il se trouvera alors sur une sorte d’escalier roulant dont il essaierait de communiquer la position, mais dont la vitesse de mouvement sera elle-même une fonction de ses efforts pour la communiquer.

Apparemment sa tâche est impossible, mais comme on le sait, certains y parviennent fort bien.

Processus primaire

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » Les Anglo-Saxons voient généralement dans les « raisons » du cœur ou de l’inconscient des forces inchoatives, des pulsions ou des poussées – ce que Freud a appelé Trieben. Pascal, le Français, considérait la question différemment : il pensait sans aucun doute aux raisons du cœur comme à un corpus logique, ou de calcul, aussi précis et complexe que les raisons de la conscience.

(J ’ai remarqué que, dans ce même ordre de raisons, les anthropologues anglo-saxons se méprennent quelquefois sur les écrits de Claude Lévi-Strauss. lls disent qu’il met trop ‘ l’accent sur l’intellect et qu’il occulte les « sentiments ». Ce qu’il affirme, en fait, c’est que le cœur a ses algorithmes précis.)

Ces algorithmes du cœur ou, comme on dit, de l'inconscient, sont toutefois codés et organisés d’une manière totalement différente de celle des algorithmes du langage. Et du fait qu’une grande partie de la pensée consciente est structurée en fonction de la logique du langage, les algorithmes de l’inconscient sont doublement inaccessibles. En effet, non seulement l’esprit conscient a un accès difficile à ce matériel mais, lorsqu’il y parvient (rêves, art, poésie, religion, drogue, etc.), il lui faut encore surmonter un immense problème de traduction.

En langage freudien, on exprime généralement cela en disant que les opérations de l’inconscient sont structurées en termes du processus primaire, tandis que les pensées conscientes (surtout les pensées verbalisées) s’expriment dans le processus secondaire.

A ma connaissance, personne ne sait quoi que ce soit de ce dernier. Mais, comme il est généralement supposé que tout le monde connaît tout en ces matières, je n’essaierai pas de décrire le processus secondaire dans ses détails en supposant que vous en savez aussi long que moi.

Le processus primaire est caractérisé (selon Fénichel) comme manquant de négation, de temps, d’identification du mode linguistique (absence d’identification de l’indicatif, du subjonctif, de l’optatif, etc.) et comme métaphorique. Ceci est basé sur l’expérience psychanalytique qui se doit d’interpréter les rêves et les modèles de l’association libre.

Il est également vrai que l’objet du discours du processus primaire est différent de celui du langage et de la conscience. La conscience parle de choses ou de personnes et attribue des prédicats à des choses ou a des personnes particulières, qui sont mentionnées. Dans les processus primaire, les choses ou personnes ne sont généralement pas identifiées, et le discours porte essentiellement sur les relations qui prévalent entre elles. En réalité, ce n’est là qu’une autre façon de dire que le discours du processus primaire est métaphorique : une métaphore maintient inchangée la relation qu’elle « illustre », en substituant d’autres choses ou personnes aux choses relatées (relata). Dans une comparaison c’est l'insertion de mots tels que « comme si » ou « comme » qui marque l’emploi d’une métaphore. Dans le processus primaire (comme dans l’art), il n’y a aucune marque pour indiquer à l’esprit conscient que le matériel du message est métaphorique.

Pour ce qui est du schizophrène, on peut dire qu’il fait un grand pas vers une « santé » conventionnelle, lorsqu’il commence à cadrer ses énoncés schizophréniques, ou les commentaires des voix qu’il entend, dans une terminologie du type « comme si ».

Le foyer de la « relation » est, toutefois, plus restreint que ne pourrait le laisser entendre le fait que le matériel du processus primaire est métaphorique et que, par conséquent, il n'identifie pas les relatés spécifiques. En fait, l’objet du rêve et de tout autre matériel relevant du processus primaire est la relation, au sens le plus étroit du rapport entre « soi » et les autres ou entre « soi » et l’environnement.

Les Anglo-Saxons, qui ne sont pas à 1’aise devant l’idée que sentiments et émotions sont des signes extérieurs d’algorithmes précis et complexes, préfèrent habituellement s’entendre dire que ces matières – la relation entre « soi » et les autres, entre « soi » et environnement – sont en fait l’objet de ce qu’on appelle « sentiments » : amour, haine, peur, confiance, anxiété, hostilité, etc. Il est regrettable que ces abstractions relatives à des modèles de relation aient reçu des noms dont l’utilisation porte à croire que les « sentiments » sont caractérisés avant tout par la quantité et non par un modèle précis. Telle est l’une des contributions absurdes que la psychologie a apporté à notre épistémologie tordue !

Quoi qu’il en soit, pour mon propos ici, il est important de noter que les caractéristiques du processus primaire, telles que nous les avons décrites, sont les caractéristiques inévitables de tout système de communication entre organismes qui ne se servent que d’une communication iconique. C’est bien cette même restriction qui s’applique à la fois à l’artiste et au rêveur, au mammifère préhumain et à l’oiseau. (Peut-être, chez les insectes, la communication est-elle encore une autre affaire.)

Dans la communication iconique, il n’y a ni temps ni négation simple ni marqueur de mode.

L’absence de négations simples est tout particulièrement intéressante, parce qu’elle oblige souvent les organismes à montrer l'opposé de ce qu’ils veulent dire, afin de laisser entendre qu’ ils veulent dire l'opposé de ce qu’ils montrent.

Deux chiens, s’approchant l’un de l’autre, échangent le message : « Nous n’al1ons pas nous battre. » Mais la seule façon dont on peut mentionner le combat dans la communication iconique est, en l'occurrence, de montrer les crocs. Il leur faut ensuite découvrir que mentionner le combat de cette façon n’était en fait qu’une démarche exploratrice. Pour cela, ils doivent d’abord explorer ce que veut dire l'acte de montrer les crocs : ils sont alors obligés Œengager une bagarre, pour découvrir ainsi qu’aucun d’eux, en fin de compte, n’a l’intention de tuer l’autre : à partir de ce moment-là, ils peuvent devenir amis.

(Pensez aux cérémonies pacificatrices des îles Andaman. Pensez aussi aux fonctions de l’antiphrase ou du sarcasme, et aux autres types d’humour, dans le rêve, l’art, et la mythologie.)

En général, le « discours » des animaux porte sur la relation entre « soi » et l’autre, ou entre « soi » et environnement. Dans aucun des deux cas il n’est nécessaire d'identifier les choses relatées. L’animal A fait part à B de sa relation avec B, et à C de sa relation avec C. L’animal A n’a pas à faire part à C de sa relation avec B. Les relatées sont toujours perceptiblement présentes pour illustrer le discours, et celui-ci est toujours iconique, dans la mesure où il se compose d’actions partielles (« mouvements intentionnels »), qui mentionnent l’ensemble de l’action désignée. Lorsque le chat demande du lait, il ne peut pas mentionner l’objet qu’il désire (à moins que celui-ci ne se trouve dans le champ de sa perception) : il se met à miauler, et vous êtes censé deviner, à partir de l’invocation de sa dépendance, que c’est du lait qu’il exige.

Tout cela indique que les « pensées » du processus primaire, ainsi que la façon de les communiquer à autrui sont, dans une perspective évolutionniste, plus archaïques que les opérations conscientes du langage, etc. Et cela a des répercussions sur l’ensemble de l’économie et sur la structure dynamique de l’esprit. Samuel Butler fut peut-être le premier à faire remarquer que c’est ce que nous connaissons le mieux dont nous sommes le moins conscients, autrement dit, que le processus de formation des habitudes correspond à un refoulement de la connaissance à des niveaux moins conscients et plus archaïques. Uinconscient « accueille » non seulement les affaires pénibles, que la conscience préfere occulter, mais également maintes choses qui nous sont si familières que nous n’avons nul besoin de les examiner. L’habitude apporte donc une importante économie de pensée consciente : nous pouvons faire des choses sans y penser. La compétence d’un artiste, ou plutôt la démonstration qu’il en fait, devient un message relatif à ces parties-là de son inconscient. (Mais, peut-être, ne s’agit-il pas pour autant d’un message de l'inconscient.)

Cependant le problème n’est pas aussi simple : si certains types de connaissance peuvent, sans inconvénient aucun, être relégués à des niveaux inconscients, certains autres doivent être gardés en surface. En gros, nous sommes en mesure de refouler les types de connaissance qui demeurent valables indépendamment des changements intervenus dans l’environnement, mais nous devons maintenir à une place accessible tous les moyens de contrôle du comportement, qui doivent être changés à chaque moment. Le lion peut, si l’on veut, refouler dans son inconscient le fait que les zèbres sont sa proie naturelle, mais en prenant un tel zèbre en chasse, il devra être prêt à modifier ses mouvements d’attaque selon des circonstances particulières et suivant la tactique d’évitement d’un zèbre particulier.

En fait, l’économie du système pousse les organismes à refouler les aspects généraux des relations, qui restent toujours valables, et à garder au niveau conscient la pragmatique impliquée par tel ou tel moment.

Les prémisses peuvent être refoulées par mesure d’économie, mais les conclusions particulières doivent être maintenues à la conscience. Au demeurant, le « refoulement », quoique (ou peut-être parce que) uniquement économique, est opéré à un certain prix – au prix de l’inaccessibilité. Puisque le niveau du refoulé est caractérisé par des algorithmes iconiques et par la métaphore, il devient difficile à l’organisme d’examiner la matrice d’où jaillissent ses conclusions conscientes. Réciproquement, nous pouvons dire que ce qui est commun à une affirmation particulière et à une métaphore lui correspondant est généralement bon pour être refoulé.

Limites quantitatives de la conscience

Un aperçu très rapide de la question montre qu’il est inconcevable qu’un système soit entièrement conscient. Supposons qu’il y ait sur l’écran de la conscience des indications provenant de maintes parties de l’esprit (mind), et imaginons que viennent s’y ajouter d’autres indications, nécessaires pour recouvrir ce qui, à un stade donné de l’évolution, n’était pas encore recouvert. Cet apport impliquera une importante augmentation dans la structure des circuits du cerveau, mais ne parviendra pas toutefois à tout recouvrir. L’étape suivante consistera à recouvrir les processus et événements qui apparaissent dans la structure du circuit que nous venons d’ajouter, etc.

Le problème est de toute évidence insoluble et chaque nouveau pas vers une conscience totale implique une nouvelle et importante augmentation des circuits requis.

Il s’ensuit que tous les organismes doivent se contenter d’un champ de conscience assez restreint et que, si la conscience est de quelque utilité (ce qui n’a jamais été démontré, mais qui doit être vrai), économiser la conscience sera alors de première importance. Aucun organisme ne peut se permettre d’être conscient de choses qu’il peut résoudre à des niveaux inconscients.

Voilà l’économie que réalise la formation des habitudes.

Limites qualitatives de la conscience

Dans le cas d’un poste de télévision, une image satisfaisante sur l’écran est certainement une indication que la plupart des éléments du poste fonctionnent normalement ; il en est de même pour l’« écran » de la conscience. Mais ce qui est fourni là n’est qu’une indication très indirecte du fonctionnement de toutes ces parties. Si le poste TV « souffre » d’une lampe grillée, ou si une personne a une attaque, les effets de cette pathologie peuvent devenir suffisamment évidents, respectivement sur l’écran ou à la conscience, mais c’est tout de même un expert qui doit en donner le diagnostic.

Cela a un certain rapport avec la nature de l’art. Le poste TV qui donne une image déformée ou autrement imparfaite, communique, en un sens, quelque chose sur ses pathologies inconscientes, en exhibant leurs symptômes. On pourrait se demander si certains artistes ne font pas quelque chose d’analogue, mais pour l’instant on laissera cette question en suspens.

Parfois, on dit que les déformations opérées par l’art (par exemple, la « Chaise » de Van Gogh) sont directement représentatives de ce que l’artiste « voit ». Si de tels propos concernent la « vue » au sens physique le plus simple (remédiable, si l’on veut, par des lunettes), alors ils sont tout simplement absurdes : car, si la vue de Van Gogh ne lui permettait de percevoir la chaise que de cette façon sauvage, ses yeux ne lui auraient nullement servi pour la disposition précise de la peinture sur la toile. Et, réciproquement, une représentation photographique très nette de la chaise sur la toile aurait été également vue par Van Gogh de cette façon violente. Et, de ces faits, il n’aurait eu aucune raison de déformer la peinture.

Mais admettons que l’artiste peigne aujourd’hui ce qu’il a vu hier – ou bien qu’il peigne ce que, en quelque sorte, il sait pouvoir voir. « Je vois tout aussi bien que vous ; mais vous rendezvous compte que cette autre façon de voir une chaise existe comme potentialité humaine ? Et que cette potentialité existe en vous et en moi ? » L’artiste exhibe-t-il des symptômes qu’il pourrait avoir, pour la simple raison que tout le spectre de la psychopathologie est possible pour chacun de nous ?

L'intoxication alcoolique ou par les drogues nous aide à voir un monde déformé, et ces distorsions peuvent être fascinantes, en ce que nous les reconnaissons comme nôtres. In vino pars veritatis. Nous pouvons être humiliés ou agrandis en réalisant que cela aussi est une partie de nous, une partie de la Vérité. Mais l’intoxication n’augmente pas la compétence ; tout au plus, peut-elle libérer une compétence acquise précédemment.

Sans compétence, il n’y a pas d’art.

Prenons le cas de l’homme qui se dirige vers le tableau noir – ou vers la paroi de sa caverne – et dessine à main levée un renne parfait, en position de combat. Il ne peut rien raconter àpropos de son acte de dessiner le renne. (« S’il le pouvait, il n’y aurait eu aucune raison pour qu’il l’eût dessiné. » « Savez-vous que cette façon parfaite de voir - et dessiner – un renne existe comme potentialité humaine ? » La compétence mise en œuvre par le dessinateur valide le message de l’artiste à propos de sa relation avec l’animal – son empathie.

(On dit que les peintures d’Altamira ont été faites pour assurer une chasse magique ernpathique. Mais la magie n’a besoin que des représentations des plus grossières. Les flèches gribouillées qui lacèrent le beau renne peuvent bien sûr avoir une signification magique. Et pourquoi pas une vulgaire tentative d’assassiner l’artiste, comme les moustaches ajoutées à la Joconde ?)

La nature corrective de l’art

Nous avons fait remarquer précédemment que la conscience est nécessairement sélective et partielle, dest-à-dire que le contenu de la conscience est au mieux une petite partie de la vérité. Mais, si cette partie a été systématiquement sélectionnée, il est certain, d’une manière ou d’une autre, que les vérités partielles de la conscience seront une déformation de la vérité d’un ensemble plus vaste.

Dans le cas d’un iceberg, à partir de ce qui émerge à la surface, nous pouvons deviner le type de matière qui se trouve en dessous ; mais, à partir du contenu de la conscience, nous ne pouvons pas nous livrer à ce même genre Œextrapolation. Ce n’est pas simplement la sélectivité préférentielle, à travers laquelle les cadavres sont entassés dans le placard freudien, qui rend cette extrapolation malsaine. Au contraire, une telle sélectivité préférentielle ne ferait que favoriser l’optimisme.

Ce qui est grave, c’est une coupe dans le système des circuits de l’esprit. Si, comme il faut le penser, l’ensemble de l’esprit est un réseau intégré (de propositions, images, processus, pathologie neurale, ou de ce que vous voudrez, selon le langage scientifique que vous préférez utiliser), et si le contenu de la conscience n’est qu’un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau, alors inévitablement la vue consciente de la totalité du réseau est un monstrueux échec de l’intégration de cette totalité. Si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît à la surface, ce sont des arcs des circuits, non pas des circuits complets, ni des circuits des circuits, encore plus vastes.

Ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, etc. ) ne peut jamais apprécier, c'est la nature systémique de l’esprit.

Cette notion peut être illustrée convenablement à l’aide d’une analogie : l’organisme humain vivant est un système complexe, cybemétiquement intégré. Ce système a été étudié pendant des années par les hommes de science, principalement par les médecins. Ce qu’ils savent maintenant du corps peut être comparé avec justesse à ce que la conscience non assistée connaît de l’esprit. En tant que médecins, ils avaient des buts précis : guérir ceci ou cela. Les efforts de leurs recherches étaient donc dirigés (de même que l'attention est dirigée vers la conscience) vers ces brèves séquences de causalité sur lesquelles ils pouvaient influer avec des drogues ou autrement, afin de corriger des états ou des symptômes plus ou moins spécifiques et identifiables. Chaque fois qu’ils découvraient un traitement efficace pour telle ou telle maladie, les recherches dans ce domaine cessaient et l’attention se portait ailleurs. Nous pouvons aujourd’hui prévenir la polio, mais personne n’en sait beaucoup plus sur les aspects « systémiques » de cette maladie fascinante. Les recherches sur la polio ont cessé ou se bornent, tout au plus en ce moment, à l'amélioration des vaccins.

Mais il faut dire qu’un sac d’astuces pour guérir ou prévenir une série de maladies spécifiées ne fournit guère une sagesse universelle. L'écologie et la dynamique de la population des espèces ont été bouleversées ; les parasites ont été immunisés contre les antibiotiques ; la relation entre la mère et le nouveau-né a été, en grande partie, détruite, etc.

Fait typique, les erreurs se reproduisent à chaque fois que la chaîne causale altérée est une partie de la structure de circuit, vaste ou petit, d’un système. Et le restant de notre technologie (dont la science médicale n’est qu’une partie) semble bien parti pour détruire ce qui se tient encore de notre écologie.

Cela dit, mon but ici n’est pas d’attaquer les sciences médicales, mais de démontrer un fait indéniable : à savoir qu’une pure rationalité projective, non assistée par des phénomènes tels que l’art, la religion, le rêve, etc., est nécessairement pathogénique et destructrice de la vie ; la virulence de ce processus ressort précisément du fait que la vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits, que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer.

En un mot, la conscience non assistée doit toujours engager l’homme dans la stupidité, dont l’évolution biologique ellemême s’est rendue coupable, en imposant aux dinosaures les valeurs vulgaires d’une course aux armements. Un million d’années plus tard, « elle » devait se rendre compte de son erreur et, de ce fait, supprimer les dinosaures.

La conscience non assistée tend toujours vers la haine ; et pas seulement parce qu’il est de bon sens d’exterminer le voisin, mais pour encore une autre raison, plus profonde celle-ci : en ne saisissant que des arcs de circuits, l’individu est continuellement surpris et, par conséquent, irrité, lorsque ses stratégies « de tête », une fois mises en pratique, se retournent contre leur inventeur.

Si l’on utilise du DDT pour tuer des insectes, la réussite peut être si radicale que les insectivores mourront de faim. Il vous faudra utiliser alors plus de DDT qu’auparavant, pour tuer des insectes que les oiseaux ne mangent plus. Et il est fort probable que, dans un premier temps, vous tuerez aussi les oiseaux, lorsque ceux-ci attraperont des insectes empoisonnés. Si le DDT tuait, par exemple, les chiens, il y aurait lieu d’augmenter les rangs de la police pour réprimer les cambrioleurs. Et ces derniers, à leur tout, s’armeraient mieux et deviendraient plus malins, etc.

Tel est le type de monde où nous vivons – un monde de structures de circuits - et l’amour ne peut y survivre que si la sagesse (en l'occurrence, la perception ou la reconnaissance du fait de ces circuits) se fait efficacement entendre.

Ce que nous avons dit jusqu’à présent soulève des questions à propos de toute œuvre d’art, questions qui sont, elles, quelque peu différentes de celles que les anthropologues se sont posées jusqu’ici. « L’école de la culture et de la personnalité », par exemple, s’est servie d’éléments artistiques ou rituels comme d’échantillons ou preuves permettant de révéler certains thèmes ou états psychologiques particuliers.

La question que nous avons posée tout à l'heure était : l’art nous dit-il quelque chose sur le type de personne qui l’a produit ? Mais, si l’art, comme je l’ai suggéré précédemment, a une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique, alors la question à poser a propos d’une œuvre d’art devient : quelles sortes de corrections, dans le sens de la sagesse, sont accomplies par celui qui crée ou qui « parcourt » cette œuvre d’art ?

Analyse de la peinture balinaise

Si maintenant nous passons des considérations épistémologiques à l’examen d’un style d’art particulier, nous commencerons par noter ce qui est le plus général et le plus évident.

Presque sans exceptions, les comportements qu’on appelle art ou leurs produits ont deux caractéristiques : ils nécessitent et exhibent une certaine compétence ; ils contiennent une redondance ou un modèle.

Mais ces deux caractéristiques ne sont pas séparées : la compétence se manifeste dans le maintien et la modulation des redondances.

Ceci est peut-être plus clair lorsqu’il s’agit de la compétence d’un artisan et lorsque la redondance est d’un ordre relativement bas. Dans les peintures balinaises d’Ida Bagus Djati Sura, du village de Batuan, peintures datant de 1937, et dans presque toutes les peintures de l’École de Batuan, la compétence, d’un type assez élémentaire mais hautement rigoureux, s’exhibe surtout dans l’arrière-plan et au niveau du feuillage. Les redondances à réaliser impliquent une répétition plutôt uniforme et rythmique, dans la forme des feuilles, mais cette redondance est pour ainsi dire fragile. Elle peut être cassée ou interrompue, par des taches ou des irrégularités de grandeur ou de ton, dans la représentation picturale des feuilles successives.

Lorsqu’un artiste de Batuan considère l’œuvre d’un autre, l’une des premières choses qu’il examine, c’est la technique du feuillage en arriere-plan. Les feuilles sont d’abord librement esquissées au crayon ; puis chaque contour et redessiné soigneusement à la plume et à l’encre noire ; ensuite, l’artiste se met à peindre au pinceau et à l’encre de Chine. Chaque feuille est recouverte d’un lavis pâle. Quand ces lavis sont secs, chacune reçoit un lavis Concentrique plus petit, puis un autre plus petit encore, etc. Le résultat final est une feuille bordée d’une couleur presque blanche, à l’intérieur du contour à l’encre, et puis une succession de couleurs qui vont s’assombrissant jusqu’au centre de la feuille.

Dans une « bonne » peinture, chaque feuille peut avoir jusqu’à cinq ou six lavis successifs. (Et en ce sens, le tableau que j’ai mentionné n’est pas très « bon ». Les feuilles n’ont que trois ou quatre couches au maximum.) »

La compétence et la structuration dont nous avons parlé jusqu’ici dépendent de,la routine et de la précision musculaire à l’aide desquelles est réalisé le niveau artistique (non négligeable’) de la disposition parfaite d’un champ de navets.

Une fois j’ai observé un architecte-charpentier américain très doué travailler à la charpente d’une maison qu’il avait dessinée. Je fis quelques commentaires sur la sûreté et la précision de chacun de ses déplacements. ll m’a répondu : « Oh, ça, c’est comme taper à la machine. ll faut pouvoir le faire sans y penser ».

Qui plus est, au-dessus de ce niveau de redondance, il y en a un autre. Uuniformité du niveau inférieur doit être modulée pour fournir des ordres supérieurs de redondance. Les feuilles d’un secteur du tableau doivent être différentes de celles d’un autre, et ces différences doivent être en quelque sorte mutuellement redondantes : c’est-à-dire s’inscrire dans un modèle plus vaste.

En fait, la fonction et la nécessité du contrôle au premier niveau sont précisément de rendre le second niveau possible. Celui qui perçoit l’œuvre d’art doit recevoir l’information que l’artiste peut peindre une surface uniforme de feuilles, puisque sans cela il ne serait pas capable d’apprécier l’importance des variations à l’intérieur de cette uniformité.

Seul le violoniste qui peut contrôler la qualité de ses notes est capable d’utiliser les variations de cette qualité dans un but de recherche musicale.

Ce principe est fondamental et rend compte, je crois, du lien presque universel en esthétique entre la compétence et le modèle. Les exceptions - comme, par exemple, le culte des paysages naturels, des « objets trouvés », des taches d’encre, des traits dispersés (scattergrams), ainsi que les œuvres de Jackson Pollock – semblent illustrer la même règle à l’envers : une structuration plus vaste semble donner l’illusion que les détails ont été contrôlés. Il existe également des cas intermédiaires : dans la sculpture balinaise, par exemple, la texture naturelle du bois est utilisée assez fréquemment pour suggérer certains détails de la forme ou bien de la surface du thème. Dans ces cas-là, la compétence ne réside pas dans la précision des détails, mais dans la façon dont l’artiste place son dessin à l’intérieur de la structure à trois dimensions du bois. Un « effet » spécial est réalisé, non par la simple représentation, mais par le fait que celui qui perçoit réalise qu’un système physique autre que celui relevant de l'exécution a déterminé sa perception.

Nous allons revenir maintenant à des questions plus complexes, en nous concentrant toutefois sur ce qui est le plus évident et le plus élémentaire.

Composition

l. Le contour des feuilles et des autres formes ne rejoint pas les cadres du tableau, mais s’estompe dans une couleur sombre de sorte que tout autour du rectangle il y a une bande de pigment foncé, non différencié. Autrement dit, le tableau est cadre par son propre fondu. ll nous est permis de percevoir son thème comme étant, en quelque sorte, « hors de ce monde » ; et cela, en dépit du fait que la scène dépeinte est familière : le départ d’une procession de crémation.

Peinture balinaise de Ida Bagus Djati Sum, Baluan, 1937.

2. La toile est entièrement couverte. La composition ne laisse aucun espace libre. Non seulement le papier est complètement peint, mais peu d’endroits sont recouverts d’un lavis uniforme. Les plus grandes surfaces peintes ainsi sont les taches très sombres, dans le bas du tableau, entre les jambes des personnages.

Pour un œil occidental, cela donne au tableau un effet « tatillon » ; pour un regard psychiatrique, l’effet sera d’« anxiété » ou de « compulsion ». Nous connaissons tous l'étrange aspect de l’écriture des fous, qui se sentent obligés de remplir complètement la page.

3. Mais avant d’essayer de diagnostiquer ou d’évaluer trop hâtivement, il nous faut remarquer que la composition de la moitié inférieure du tableau, hormis le remplissage de l’arrière-plan, est plutôt tumultueuse. Ce n’est pas seulement une représentation de personnages en pleine activité, mais une composition tourbillonnante à mouvement ascendant, coiffé par les gestes contrastants des personnages au sommet de la pyramide.

Par contre, la moitié supérieure du tableau est sereine. L’effet de ces femmes, parfaitement équilibrées, portant les offrandes sur la tête, est si apaisant qu’à un premier regardjes hommes aux instruments de musique semblent être assis (bien qu’en fait ils soient censés se déplacer en procession).

Cette structure de la composition est opposée à celle qui est habituelle en Occident. Nous autres, Occidentaux, nous nous attendons à ce que la partie inférieure du tableau soit la plus stable et à voir l’action et le mouvement, pour peu qu’il y en ait, dans la partie supérieure.

4. ll convient maintenant d’examiner le tableau comme un jeu d’allusions sexuelles ; sous ce rapport, les signes internes d’une telle référence apparaissent au moins aussi nettement que dans le cas de la figure Tangaroa, étudiée par Leach. Orientez votre esprit d’une façon appropriée et vous verrez un énorme objet phallique (la tour crématoire) avec deux têtes d’é1éphants à sa base. Cet objet pénètre, par une porte étroite. dans une cour paisible, et continue à avancer vers le haut, par un passage encore plus étroit. Autour de la base de cet objet phallique, vous verrez une masse turbulente Œhomuncules, une foule où :

Nul ne veut être premier A mener une si terrible attaque ;
Ceux derrière crient : « foncez ! »
Et ceux du front : « retraite ! »

Si vous orientez votre esprit de la sorte, vous trouverez que le poème de Macaulay, sur la façon dont un des frères Horace défendit 1e pont, n’est pas moins chargé d’allusions sexuelles que ne l’est ce tableau. La gamme de l’interprétation sexuelle est facile, si l’on est décidé à la jouer. Et, sans doute, le serpent dans l’arbre à gauche du tableau pourrait également être inséré dans une histoire similaire.

Néanmoins, il se peut toujours que l’hypothèse d’un theme double ajoute quelque chose à notre compréhension d’une œuvre d’art : le tableau représente ici à la fois le départ d’une procession de crémation et un phallus pénétrant dans un vagin. Avec un peu d'imagination, nous pourrions y Voir également une représentation symbolique de l’organisation sociale balinaise, dans laquelle des relations adoucies par l'étiquette et la gaieté couvrent métaphoriquement la turbulence de la passion. D’autre part, de toute évidence, l’« Horace » de Macaulay, n’est que le mythe idéalisé de l’Angleterre impériale du XIX° siècle.

Il est probablement faux de penser que le rêve, le mythe et l‘art concernent tout, sauf la catégorie de relation. Comme je l’ai dit précédemment, le rêve est métaphorique et ne se réfère pas particulièrement aux relata qui y sont mentionnés.

Dans l'interprétation classique des rêves, il arrive que le groupe apparent de relatés soit remplacé par un autre groupe, souvent sexuel. Mais, peut-être, en faisant cela, nous créons tout simplement un autre rêve. Il n’y a en fait aucune raison à priori de penser que les éléments sexuels soient « plus » primaires ou « plus » fondamentaux que tout autre groupe d’éléments relatés.

En général, les artistes se montrent fort peu disposés à accepter de telles interprétations et il n’est pas tout à fait évident que leur refus porte essentiellement sur la nature sexuelle de l’interprétation. Il semble plutôt qu’une focalisation rigide, limitée à un unique groupe d’éléments relatés, détruit à leurs yeux une signification plus profonde de l’œuvre d’art. Si le tableau ne concernait que le sexe ou que l’organisation sociale, parce qu’il parle à la fois du sexe, de l’organisation sociale, de la crémation et d’autres choses encore. Bref, le tableau se réfère àla catégorie de relation et non à quelque élément relaté identifiable.

5. Il est donc censé qu’on se demande à présent comment l l’artiste a traité l’identification de son thème dans le tableau. , Nous remarquons tout d’abord que la tour de crémation, qui occupe presque un tiers de la toile, est peu visible. Elle ne se détache pas sur le fond, comme il aurait fallu si l’artiste avait voulu affirmer de façon univoque : « Ceci est une crémation. » Autre point à souligner : le cercueil, placé un peu au-dessus du centre et qui aurait dû être un point de convergence, n’attire pas du tout l'attention. L’artiste a semé des détails qui mettent sur le tableau l’étiquette « crémation », mais ces détails deviennent des à-côtés baroques, comme le serpent et les petits oiseaux dans les arbres. Les femmes portent sur la tête des offrandes exigées par les rituels et deux hommes apportent, selon l’usage, des récipients en bambou, remplis de vin de palmier ; mais, là aussi, ce sont des détails surajoutés. L’artiste n'accorde aucune importance à l’identification du thème et, de ce fait, intensifie le contraste entre le turbulent et le serein (Voir 3).

6. En somme, à mes yeux le nœud de ce tableau semble être le contraste entrelacé entre serein et turbulent. Un contraste ou combinaison analogue était présent aussi dans la façon dont sont peintes les feuilles. Là aussi, une liberté exubérante est recouverte par la précision.

Je peux maintenant essayer de répondre à la question posée précédemment : quelles sortes de corrections, dans le sens de la sagesse, sont accomplies en créant ou en parcourant cette œuvre d’art ? En dernière analyse, ce tableau peut être comme l’affirmation que choisir entre turbulence et sérénité, comme projet humain, serait une grossière erreur. Concevoir et exécuter le tableau fournit une expérience qui expose cette erreur. L’unité et l'intégration du tableau affirment qu’aucun de ces deux pôles contrastants ne peut être choisi à l’exclusion de l’autre, parce qu’ils sont mutuellement dépendants. Cette vérité profonde et générale est dite, en même temps à propos de la sexualité, de l’organisation sociale et de la mort.


[*] Texte d’introduction pour la Wenner-Gren Conference on Primitive Art, 1967 ; reproduit ici du A Study of Primitive Art, édité par Anthony Forge, Oxford University Press. Cet essai se constitue de plusieurs tentatives encore non unifiées de contourer une théorie portant sur les rapports entre culture et arts non verbaux. Puisque, pour l’instant, elles ne convergent toujours pas au centre du territoire à contourer, j’ai trouvé utile d’exposer ici, en un langage non technique, le but de ces démarches.
[**] En français dans le texte. (N.d. T)
[*#] En français dans le texte. (N.d. T)
[#*] En français dans le texte. (Nd. T.)
[*#*] En français dans le texte. (Nd. T.)
[#] Trad. fr., Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, Paris, Dervy-Livres, 1970.
[##] Selon la traduction de Jacques Lacan : « Là où C’était, je dois advenir. » (Nd. T.)


[1] Envisagez cette impossibilité : construire un appareil de télévision où l’on verrait apparaître sur l'écran tous les fonctionnements des parties qui le composent, et notamment celles qui nous concernent davantage ici.
[2] Je remercie le Dr Anthony Forge, de me l’avoir fournie (Nd. T.)


Gregory Bateson, Vers une écologie de l'esprit.
Traduit de l'anglais par Perial Drisso, Laurencine Lot et Eugène Simion (t. I & II) ;
avec le concours de Christian Cler (t. II)
© Éditions du Seuil, Paris, 1977 (t. I), 1980 (t. II) pour la traduction française,
Tome I : ISBN 978-2-02-025767-1 (ISBN 2-02-0O4700-4, 1ère publication ; ISBN 2-02-012301-0, 2e publication)
Tome II : ISBN 978-2-02-053233-4 (ISBN 2-02-013212-5, lø publication)


Titre original: Steps to an Ecology of Mind
édition originale: ISBN 345-23423-5-195,
© Chandler Publishing Company, New York, 1972